Claudine Dupont Tingaud sera jugée devant la 17e chambre au Palais de Justice de Paris (10, bd du Palais, Paris, 75001) mercredi 24 novembre 2010 à 13 h 30. Nous vous invitons à lui apporter tout votre soutien. Elle est poursuivie pour avoir défendu la France contre les attaques de plusieurs militants d'extrême gauche. Cette militante nationaliste a été la plus jeune détenue de l'OAS durant la Guerre d'Algérie.
Voici les conclusions de son avocat Me Pichon pour ce procès.
Madame Claudine DUPOND TINGAUD est prévenue d’avoir à PARIS à compter du 25 janvier 2010 publier ou fait publier des allégations ou imputations de faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes concernées (...) en faisant publier un communiqué comportant les allégations suivantes.
PRÉALABLEMENT : SUR LE CONTEXTE DES PROPOS :
Il convient préalablement de rappeler que le communiqué litigieux de Madame Claudine Dupont Tingaud s’inscrit dans un contexte polémique avec les trois plaignants. Il fait suite à un long procès opposant les protagonistes et qui avait eu pour point de départ le Festival du film de Douarnenez organisé en 2007. L’objet de ce festival était de dénoncer l’œuvre essentiellement négative de la colonisation. MM. Lallaoui, René Vautier et Oliver Le Cour Grandmaison y avaient largement apporté leur contribution.
Or, M.M.Lallaoui, René Vautier et Oliver Le Cour Grandmaison revendiquent une conception engagée de l’histoire.
Ils ne sont donc ni historiens ni objectifs.
Monsieur Lallaoui est réalisateur et écrivain. Il est par ailleurs élu de gauche.
Monsieur Vautier est compagnon de route du parti communiste et est cinéaste engagé.
Enfin Monsieur Le Cour Grandmaison enseigne le droit à l’Université du Maine (notamment le droit public, constitutionnel et communautaire) ainsi que la sociologie et la philosophie politique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages anti-colonialistes notamment Coloniser exterminer et est chroniqueur régulier pour le journal l’Humanité.
Monsieur René Vautier a déclaré par le passé et à plusieurs reprises qu’il considérait la caméra comme une arme au service d’une cause : en l’espèce la lutte contre le colonialisme.
Si les parties civiles sont tout à fait en droit de revendiquer une telle conception et une telle vision de l’histoire, elles ne peuvent dans un même temps revendiquer l’objectivité de leurs recherches ou de leur approche historique.
Interrogé dans Ouest France le 27 août 2007, Olivier Le Cour Grandmaison déclarait : « Plutôt que de dresser un bilan, nous avons envie de faire passer un message politique ».
Autrement dit, les organisateurs du festival ne prétendaient pas donner de l’histoire une version « objective » mais de mettre leur interprétation historique et leur talent au service d’une cause.
Cette revendication se fait même en des termes « polémiques » puisque les organisateurs dudit festival accusaient l’État français de faire du « révisionnisme historique de l’histoire colonial ». Ils entendent notamment récuser la loi du 23 février 2005 qui « exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ».
En l’espèce, la guerre d’Algérie est un conflit qui a suscité et continue encore de susciter des passions vives et des débats animés.
De son côté, Madame Dupont Tingaud après avoir été une militante favorable à l’Algérie française, soutient depuis des décennies la cause des rapatriés et l’œuvre de la France dans ses anciennes colonies. Elle a ce titre côtoyé de nombreux rapatriés, historiens et protagonistes de ce conflit. Elle a été amenée à être confrontée intellectuellement et verbalement dans un respect réciproque avec Monsieur Vautier qui habite comme elle en Bretagne.
C’est par conséquent dans ce contexte d’antagonisme politique et idéologique que les propos de Madame Dupont Tingaud doivent être appréhendés.
1. Sur l’allégation de « faussaires de l’histoire» et de « manipulateurs de notre passé d’outre mer en faisant un amalgame nauséeux ».
Madame Dupont Tingaud outrepasserait son droit de critique légitime et remettrait en cause non seulement leur intégrité intellectuelle et morale mais encore, elle discréditerait leurs travaux et films portant sur un pan de l’histoire des colonies lesquels auraient été réalisés dans l’unique but de tromper délibérément leur lectorat, public et étudiants.
Le film « Avoir 20 ans dans les Aurès » réalisé par René Vautier en 1972, film qui a remporté au demeurant un certain succès, n’est pas un documentaire mais bien une œuvre fiction. Et même si l’auteur prétend que ce film se rapproche de la réalité, il ne s’agit pas d’un reportage ni d’images d’archives. Dés lors, il ne saurait être fait grief à la prévenue d’exprimer un point de vue critique vis-à-vis d’une œuvre cinématographique et même de considérer que celle-ci dénature la vérité.
Dans ce film, il présente l’image de cadavres supposés se trouver le long du stade de Guelma en mai 1945.
Or ces images ont été prises à Philippeville dix ans plus tard, le 21 août 1955.
Ceci est confirmé par Benjamin Stora et Jean-Louis Planche, ( article de Sophie Malexis et Roger Simon, « Le double mensonge des images », dans Le Monde 2 du 30 octobre 2004).
Mehdi Lallaoui a réalisé le film intitulé un certain 8 mai 1945 relatif aux évènements de Sétif. A la différence du film « J’avais vingt ans dans les Aurès », l’œuvre de Mehdi Lallaoui se veut être un documentaire. Il y prétend que l’armée française aurait massacré 45 000 algériens. Une telle version est largement contestée par de nombreux historiens et spécialistes.
S’agissant du soulèvement de Sétif-Guelma de mai 1945, son histoire a été totalement renouvelée par le livre du docteur Vétillard : Sétif mai 1945/ Massacres en Algérie, éditions de Paris, 2008, préface de Guy Pervillé.
L’historien Jean-Charles Jauffret critique par ailleurs la présentation de la thèse de Boucif Mekhaled par Lalaoui : « c’est un très bel exemple de désinformation, la version du FLN reconduite sans aucune référence sérieuse ou non tronquée » in Marseille et le choc des décolonisations, Edi Sud, 1996.
Ferhat Abbas, dans son testament de 1994, porte un jugement négatif sur « les organisateurs d’émeutes, les hommes à courte vue qui prêchaient la révolte sans savoir où elle mène... ceux qui tels des chiens sauvages se sont jetés sur Albert Denier (communiste de Sétif) auquel un salaud sectionna les mains à coup de hache ».
Cette sauvagerie explique, sans la justifier, la brutalité de la répression.
Mais le 8 mai n’a rien d’un génocide, estime l’Algérien R. Hammoudi. L’étude attentive des archives militaires et administratives montre que 45 000 est à peu près le nombre des manifestants, et que le nombre des victimes algériennes se situe entre 3 000 et 6 000.
Ainsi le Général Faivre qui témoigne dans le cadre du procès, délivre une vision précise et circonstanciée qui dément en tous points la version décrite par Mehdi Lallaoui tant concernant le point de départ de ce soulèvement préparé de longue date que le nombre de victimes.
En outre, il est décrit des scènes qui ne correspondent absolument pas aux évènement décrits mais qui sont extirpés d’un reportage concernant d’autres évènements. Il y a donc eu manifestement une manipulation et une présentation parfaitement faussée de l’histoire.
A Titre d’exemple, Mehdi Lalaoui, dans « Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 », présenté sur Arte en mai 1995, présente deux films courts qu’il date de mai 1945 : -un Algérien abattu devant une raïma, et un autre algérien courant sur une route, tué d’une balle dans le dos.
Or ces films ont été pris par la Fox Movietone, le 22 août 1955 à Ain Abid, ainsi que le prouve un article de Life du 3 octobre 1955, et de L’Express du 29 décembre 1955.
Ceci est confirmé par l’article du Monde 2 cité plus haut, et par Guy Pervillé lors du colloque de Tunis du 26 novembre 1998.
C’est une double faute d’anachronisme.
Quant à Olivier Le Cour Grandmaison, il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Coloniser exterminer, ouvrage de 362 pages qui prétend notamment la colonisation a eu pour effet d’affamer les populations indigènes, un des mécanismes de l’extermination. Pour essayer de démontrer cela, il s’appuie notamment sur des spoliations, des razzias commis par les troupes françaises et prétend que cette politique était généralisée. Pas un seul passage du livre de Monsieur Le Cour Grandmaison ne fait référence à un seul fait, geste, action susceptible d’être porté au crédit de la France.
Une telle description est en parfaite contradiction avec l’article 1 de la loi du 23 février 2005 qui exprime en son article 1 la reconnaissance de la Nation aux « femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ».
Du reste, l'œuvre d’Olivier Le Cour Grandmaison n’est pas seulement contestée par des nostalgiques de l colonisation. Ainsi Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet font observer que : «Le travail d’Olivier Le Cour Grandmaison est donc récusé pour défaut de méthode historique. Sa surenchère dans l’invective et l’inflation d’imputation criminelle est incompatible avec le sens critique nécessaire. A vrai dire, le livre de O.L.G.M. se présente comme un ajout de notes de lecture d’un infatigable lecteur, mais qui ne retient de ses lectures que ce qui conforte ses thèses et nourrit ses stéréotypes. Son texte est noyé sous une avalanche de citations illustratives, traitées en paraphrases idéologiques. Cela non sans redites. A le lire, on ne peut s’empêcher de poser la question : un sottisier peut-il tenir lieu d’œuvre de réflexion et de synthèse historique ».
Or, si Gilbert Meynier et Pierre Vidal Naquet se revendiquent comme étant des historiens anti-colonialistes, ils ne peuvent cautionner ni la méthodologie ni les conclusions d’Olivier Le Cour Grandmaison tant celles-ci sont réductrices et teintées d’idéologie.
Ainsi ils indiquent dans leur critique qu’ « assimiler peu ou prou le système colonial à une anticipation du IIIe Reich voire à un précédent inquiétant d’Auschwitz, est une entreprise idéologique frauduleuse. Il n’y eut en Algérie ni entreprise d’extermination sciemment conçue et menée à son terme et contrairement à ce qu’énonce OLCG, ni projet cohérent de génocide ».
Ainsi le terme d’entreprise idéologique frauduleuse venant d’un historien émérite et réputé anti-colonialiste, pour parler de l'œuvre de Le Cour Grandmaison est un terme fort contre lequel ce dernier n’a pas jugé bon d’engager une action en diffamation.
De son côté, Madame Dupont Tingaud parle d’amalgame nauséeux. Elle vise notamment cet amalgame fait entre l'œuvre coloniale de la France à l’égard des populations autochtones et la politique du Troisième Reich et d’extermination du peuple juif. Amalgame largement démenti par l’histoire.
Quoi que l’on puisse penser par ailleurs des lois dites mémorielles, la politique du troisième Reich et son apologie font l’objet d’une répression en application de la loi de 1881 alors qu’à l’inverse, l'œuvre coloniale de la France est présentée sous un jour favorable par la loi du 23 février 2005 puisque si le terme de positif (qui figurait dans l’article 2) a été supprimé, le texte énonce bien que « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française », énonciation pour le moins positive et favorable et que dénoncent Messieurs Vautier, Le Cour Grandmaison et Lallaoui.
Quant à l’imputation de génocide à l’encontre des algériens développée notamment par Monsieur Le Cour Grandmaison, elle est réfutée y compris par les historiens sérieux du FLN.
C’est ce que confirme également l’historien du FLN Mohammed Harbi : « les crimes de guerre dont est jalonné son chemin vers l’indépendance... ne sont pas le résultat d’une idéologie visant à l’extinction totale d’un peuple... » (Soua’l n°7, 1987).
Lorsque Madame Dupont Tingaud parle de faussaire de l’histoire et de manipulation du passé, elle ne dit ni plus ni moins que ce que dit Monsieur Vidal Naquet.
Bien plus, Pierre Vidal Naquet critique la méthodologie de Monsieur Le Cour Grandmaison :
« Le texte d’OLCG comporte nombre de schématisations idéologiques, de jugements tranchés, voire d’outrances inadmissibles pour un historien, du moins dans la mesure où l’Histoire doit rendre compte, sous peine de faillir à sa mission, de toute la complexité du divers historique, et être par excellence le terrain de la dialectisation.
Il n’y a aucune autre documentation, aucune archive n’a été consultée et mise en œuvre certes ce n’est pas un péché, si du moins on respecte les règles élémentaires de la critique historique. Toutes de seconde main, tout est discours sur le discours.
À vrai dire, le livre d’OLCG se présente comme un ajout de notes de lecture d’un infatigable lecteur ; mais qui ne retient de ses lectures que ce qui conforte ses thèses et nourrit ses stéréotypes (...) expliquer que de tels livres soient écrits et publiés en 2005 ».
Et la conclusion de Pierre Vidal Naquet est éloquente : Monsieur Le Cour Grandmaison met ses travaux au service d’une cause de nature idéologique sans prendre les précautions qui s’imposent en la matière :
« C’est qu’il y a une demande dans un monde anticolonialiste dont les certitudes ont été ébranlées depuis la chute du stalinisme et la mise en évidence des dictatures du Tiers Monde. Ce monde n’accepte pas ces autres certitudes, condescendantes et méprisantes, de tous ceux qui n’envisagent pas d’avenir autre que sous la bannière du capitalisme absolu. Ces désorientés ne peuvent se défaire facilement de l’héritage lourd du stalinisme et des nationalismes bornés des États du Tiers Monde –étant entendu que nous ne considérons pas le nationalisme en soi comme nécessairement équivalent au despotisme auquel l’ont ravalé bien de ces États. La sèche brutalité de l’évolution socio-économique actuelle accroît démesurément les frustrations et les traumatismes des mal lotis, et cela à une échelle mondiale. Cette situation est éminemment propice à la construction de carrières qui se nourrissent de ces désarrois, désarrois dont ces nationalismes officiels d’État font leur profit (...) il surfe sur une vague médiatique, avec pour fond de commerce des humains désemparés, et peu portée à l’analyse critique, cela en fignolant un sottisier plus qu’il ne s’appuie sur les travaux d’historiens confirmés, dont il reprend ici et là, toutefois, plus ou moins l’une ou l’autre conclusion ».
Au surplus et pour finir avec Olivier Le Cour Grandmaison, il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’a pas hésité s’agissant du chef de l’État à écrire un article publié dans L’Humanité du 6 avril 2009 intitulé « Les manipulations historiques, un des fils rouge du sarkozysme ». Monsieur Le Cour Grandmaison qui se prétend diffamé n’hésite pas à utiliser des termes identiques s’agissant du chef de l’ État est donc ma placé pour parler d’atteinte à l’honneur et à la considération.
Madame Dupont Tingaud, qui a connu depuis près de 50 ans, des personnes qui ont vécu le drame algérien, est parfaitement fondée à considérer que ces allégations sont parfaitement fausses et présentent une vision tronquée de la réalité dans une perspective idéologique.
Admettre le contraire reviendrait ni plus ni moins à considérer comme gravée dans le marbre, la version historique et idéologique des requérants, et cela en totale contradiction avec la loi du 23 février 2005.
Il n’est pas contestable que ses détracteurs ont présenté leurs ouvrages dans des contextes idéologiques et militants, réceptifs à une telle prose.
Il ne peut donc prétendre à une quelconque objectivité historique, ni dans ses méthodes, ni dans ses conclusions, ni dans ses intentions.
Dans ces conditions, Madame Dupont Tingaud qui s’appuie sur des témoignages précis, concordants, circonstanciés, et qui répond dans un contexte polémique d’antagonisme judiciaire politique et militant, n’a pas outrepassé les limites de la liberté d’expression.
2. Concernant l’allégation faites aux requérants d’être des « spécialistes et experts de l’anti-France » elle porterait atteinte à leur honneur et leur considération en ce qu’ils se seraient spécialisés non seulement dans des travaux ayant un but contraire aux intérêts de la France mais encore les véhiculeraient par le biais de leurs films, ouvrages cours et conférences.
Ainsi, Monsieur Vautier n’a jamais caché son soutien à la cause du FLN au moment où celui-ci commettait des exactions tant contre les civils que contre l’armée Française.
De 1958 à 1960, il fut recherché en France pour aide au FLN. Il reçut l’hommage du gouvernement algérien.
Quelles que soient les motivations idéologiques de Monsieur Vautier, le fait d’avoir pris fait et cause pour une organisation qui a jadis été qualifiée de « terroriste » par les tribunaux français, constitue de facto un acte de collaboration avec l’étranger. Si les faits pour lesquels il a par la passé pu être poursuivi sont amnistiés, il revendique encore ainsi que Monsieur Lallaoui le fait d’avoir soutenu le FLN :
« René Vautier choisit son camp, celui du FLN» pouvait on lire dans Ar men d’avril 99 sous la plume de Gérard Alle :
« Je ne me suis jamais posé de questions concernant ma présence, caméra au poing, aux côtés des Algériens luttant pour leur indépendance. J’assume complètement ».
Ces déclarations sont sans équivoque. Quels que soient les mobiles de monsieur Vautier pour choisir le camp du FLN, il a objectivement soutenu une organisation qualifiée de terroriste par les autorités et la justice française de l’époque et résolument hostile à la France.
Quant à Mehdi Lallaoui, l’auteur de La Colline aux oliviers (édit. Alternatives) n’hésite pas à écrire des français prenant la place des Turcs en Algérie : « Le Tout puissant nous punissait une nouvelle fois d’avoir laissé les étrangers voler et souiller notre terre... il nous punissait d’un affront bien plus grand qu’un pêché... tout cela à cause de ces hommes venus d’Europe (...) Leurs élevages de porcs avaient proliféré –leurs porcs ! ces monstres aux yeux rouges qui chiaient dans nos potagers en toute liberté (...) ».
De tels propos, même s’ils sont tenus dans le cadre d’un exercice littéraire, à l’égard des français et européens d’Algérie à qui il est reproché de souiller sa terre associés à une comparaison avec le porc, animal impur en terre d’Islam, ne font que susciter l’animosité et le rejet à l’encontre des dites communautés.
Indépendamment de toute appréciation sur le bienfondé de ces propos, il va de soi que le fait de soutenir un état ou une organisation qui combat ouvertement le pays dont on est ressortissant est un acte que l’on peut qualifier d’anti-français.
Le fait pour Monsieur Le Cour Grandmaison de dénigrer à travers ses ouvrages l’œuvre de la France, peut légitimement être considéré comme étant un comportement anti-français celui-ci n’hésitant pas à comparer l’œuvre de la France en Afrique du Nord à une entreprise d’anticipation du IIIe Reich voire à un précédent inquiétant d’Auschwitz. Un tel amalgame entre l'œuvre de la France dans les colonies que la loi du 23 février 2005 a reconnu comme étant positive et la politique du 3èmeReich peut être légitiment être considéré comme une entreprise visant délibérément à discréditer la France tant auprès de sa jeunesse que des peuples des anciennes colonies.
C’est René Vautier lui-même qui, dans de nombreuses interventions publiques où il présente ses films, notamment dans « Caméra citoyenne », fait valoir « que pour rendre plus saignantes certaines scènes il faut savoir les tourner ailleurs que là où elles se sont réellement passées » à telle enseigne que son film « Afrique 50 » fut interdit en France.
Or, il n’est pas contestable qu’à travers les films, écrits ou reportages qui se veulent militants, les requérants développent une activité qui tend incontestablement à salir l’image de la France et peut donc légitimement être qualifiée d’anti-française.
3. Concernant l’allégation aux demandeurs d’être issus de « la gauche la plus sectaire et la plus rétrograde », elle serait de nature à dénigrer leurs convictions politiques qu’ils utiliseraient à dessein pour tromper leurs auditoires public.
Or, cette allégation, à supposer qu’elle porte atteinte à l’honneur ou à la considération ne comporte l’imputation d’aucun fait précis.
Elle relève du débat d’idées, et employée à propos de la critique d’un festival culturel, susceptible de faire l’objet de critiques et d’observations, elles étaient insusceptibles de constituer une diffamation au sens des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881.
Au surplus le terme rétrograde, s’il est péjoratif, il n’outrepasse pas les limites de la liberté d’expression, tout comme le terme « conservateur ou vieux jeu ».
Quant au terme « sectaire », il n’est pas un terme isolé mais il est adjoint au terme de gauche.
Ainsi, si le terme de terrorisme peut être considéré comme injurieux ou diffamatoire, tel n’est pas le cas lorsqu’on adjoint une expression: ainsi du terrorisme intellectuel.
Il s’agit de décrire dans des termes certes polémique une catégorie idéologique, la « gauche sectaire » par rapport à une gauche qui serait « ouverte ». Il n’y a donc rien qui ne dépasse les limites de la polémique politique.
A cet égard, la Cour de cassation a estimé que l’expression stalinisme culturel et de terrorisme intellectuel n’imputaient à la partie civile aucun fait précis susceptible de faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire et cassé l’arrêt de la Cour d’appel ayant condamné les prévenus (chambre criminelle 8 octobre 2002 N° de pourvoi: 02-81271).
Madame Dupont Tingaud sera relaxée de ce chef.
4. Concernant l’allégation de « manichéisme morbide et suicidaire pour la mémoire de nos héritiers » elle remettrait en cause l’honnêteté intellectuelle et morale des travaux des intéressés.
Cette déclaration n’outrepasse pas les limites de la liberté d’expression. Le terme de manichéisme fait référence à une pensée ou une action sans nuances, voire simpliste, où le bien et le mal sont clairement définis et séparés.
En considérant que les requérants, qui revendiquent haut et fort leurs engagements cinématographiques et culturels, notamment lorsqu’ils dénoncent l’œuvre coloniale de la France, le font sans nuances et de manière tranchée, définitive, elle exprime un point de vue parfaitement légitime.
Ce d’autant plus que la Loi a reconnu en 2005, avant d’être abrogé partiellement, l’œuvre positive de la colonisation de sorte qu’en soutenant le contraire et cela, sans nuances, les demandeurs ne peuvent prétendre décrire une vision impartiale de cette période.
Le caractère morbide et suicidaire fait référence à l’entreprise de culpabilisation permanente de l’histoire de la France et qui consiste à ne la décrire que sous un angle négatif.
A cet égard, l’ouvrage de Monsieur Le Cour Grandmaison qui s’intitule « Coloniser exterminer » est parfaitement réducteur puisqu’il limite le rôle de l’œuvre coloniale française à une entreprise de pillage, d’esclavage et d’extermination des populations locales.
Concernant ce dernier point, il convient de citer Jean Daniel, éditorialiste célèbre du Nouvel Observateur et pourtant peu connu pour ses positions « Algérie française » écrire, à propos des ouvrages de Le Cour Grandmaison :
« Lorsque je lis un livre important comme celui de M. Olivier Le Cour Grandmaison, je me dis que sans mon passé (...) je pourrai être très sensible aux arguments de ceux qui font du colonialisme une essence immuable et le critère de toutes les barbaries (...) M. Le Cour Grandmaison prend le risque, en parlant d’extermination et de génocide, de suggérer aux jeunes Français issus de l’immigration que la nation dont ils sont citoyens a voulu rayer de la carte la patrie de leurs parents ».
Faire droit à la demande des parties civiles reviendrait ni plus ni moins à privilégier une version historique au détriment d’une autre ce qui n’entre pas dans le pouvoir du juge.
D’autant plus que la prévenue fait sienne cette reconnaissance « aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine », reconnaissance consacrée par la république par la loi du 23 février 2005 et qualifiée de révisionniste par M. Le Cour Grandmaison.
Du reste, parler de « travaux» peut sembler parfaitement prétentieux pour qualifier les réalisations des protagonistes.
Ni Monsieur Vautier ni Monsieur Lallaoui n’ont réalisé de travaux. Ils ont réalisé des films, pour un certain nombre d’entre eux, des ouvrages de propagandes comme l’a revendiqué Monsieur Vautier lorsqu’il filmait pour le FLN.
Or, les plaignants dans l’articulation de leur citation, raisonnent comme s’il s’agissait de travaux d’universitaires et de spécialistes, ce qui n’est pas le cas.
Si Monsieur Le Cour Grandmaison est universitaire, il n’est pas historien mais professeur de sociologie et de sciences politiques.
Son analyse s’inscrit dans une démarche sociologique, idéologique et politique, mais nullement historique.
Il n’a pas réalisé de travaux de recherches historiques à proprement parler.
Monsieur Le Cour Grandmaison cherche en réalité à faire coïncider les faits avec son analyse marxiste et dialectique de l’histoire.
C’est cette vision unilatérale qui est dénoncée non seulement par Madame Tingaud mais également par d’autres historiens ou intellectuels.
Ainsi, Elie Aboud, député de l’Hérault, fustige dans valeurs actuelles du 23 septembre 2010 à, propos des évènement de Sétif du 8 mai 1945 : « une vision unilatérale ou la France supporte toute la responsabilité des violences pourtant déclenchées par un appel à l’insurrection du Parti Populaire algérien de Messali Hadj ».
Madame Dupont ne fait pas autre chose.
Il est produit aux débats de nombreuses attestations de personnalités importantes ayant vécu en Afrique du nord pendant les évènements dramatiques de 1954 à 1962.
Ainsi, Monsieur Hattab Pacha ancien Maire de la casbah, conseiller général et dernier président du conseil général d’Alger, atteste-t-il en faveur de Madame Dupont Tingaud, pour dénoncer la vision fausse selon laquelle les habitants d’Afrique du Nord étaient victimes de discriminations. Cette vision contredit largement l’analyse de Le Cour Grandmaison selon lequel la colonisation se réduisait à l’exploitation des populations locales.
En réalité, ce que fustige Madame Dupont Tingaud, c’est cette attitude qui consiste systématiquement à discréditer l’histoire de France, à ne dresser qu’un portrait noir, ce qui est de nature à susciter un sentiment d’animosité à l’égard de la France, tant de la part de ses héritiers que des peuples qui ont eu des relations avec elles.
Le philosophe Pascal Bruckner dans un ouvrage intitulé La Tyrannie de la pénitence publié aux éditions Grasset, il dénonce également cette auto flagellation permanente vis-à-vis de l’histoire de France, démarche morbide et qui ne peut entraîner que la haine de soi.
« Il est une nation qui incarne jusqu’à l’outrance les maladies de l’Europe et leur en ajoute d’autres, plus spécifiques, c’est la France. (...)
De ce qu’elle n’est plus la première, la France en conclut qu’elle n’est rien et s’abandonne depuis une dizaine d’années à l’autodénigrement, à un dolorisme d’enfant gâté. Elle qui brandissait jadis sa langue comme l’idiome naturel du genre humain ne sait plus que gémir, ressasser, lécher ses plaies, énumérer sans fin ses disgrâces. Partout sévit une jubilation morose à se déprécier comme si France rimait invariablement avec souffrance. (...) Nous nous désaimons beaucoup plus qu’ils ne nous rejettent ».
C’est notamment ce dolorisme et cette auto flagellation anti-française que stigmatise Madame Dupont Tingaud, phénomène qui fut du reste repris par le président Sarkozy dans sa campagne présidentielle lorsqu’il déclara au journal télévisé de France 3 le 7 décembre 2005 « Il faut cesser avec la repentance permanente qui consiste à revisiter notre histoire. Cette repentance permanente qui faudrait s’excuser de l’histoire de France, parfois touche aux confins du ridicule ».
Elle n’a pas outrepassé les limites de la liberté d’expression mais traduit un sentiment largement partagé par une partie de la classe politique ainsi que des historiens et intellectuels.
5. Enfin, en soutenant que « les juges rouges sont complices de nos adversaires », elle insinuerait sans équivoque qu’en réalisant leurs travaux, les requérants seraient auteurs de délits et par conséquent délinquants.
Les requérants font dire à Madame Dupont Tingaud ce qu’elle n’a pas dit.
En premier lieu il est constant qu’en matière de presse l’acte introductif d’instance (plainte avec constitution de partie civile, citation directe, réquisitoire introductif) fixe de manière irrévocable les termes du litige.
Il résulte de l’article 50 de la loi de 1881 que lorsque l’action publique est lancée par la partie civile, elle doit non seulement articuler les faits mais encore les qualifier précisément ( Crim. 24 févr. 1987 : Bull crim n°95 ; Paris 24 sept. 1996 Gaz. Pal. 1997).
Or, les requérants n’articulent ni ne qualifient absolument pas leur raisonnement qui est pour le moins évasif et flou.
On ne voit pas en quoi le lien entre les travaux des « juges rouges » et des requérants.
En tout état de cause, les intéressés ne sont pas visés. Les seules personnes visées sont les « juges rouges » qui seuls auraient qualité à agir.
On ne voit donc pas en quoi ce passage concerne les intéressés.
Or, l’action en diffamation n’est fondée que si le texte diffamatoire permet à la personne qui se prétend diffamée de se reconnaître comme étant personnellement visée ( Casso 3 mars 1993 JCP 1993 IV.).
Les requérants n’étant pas visés par ce passage, ils n’ont pas qualité à agir pour ce texte qui ne les concerne pas.