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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 18:18

      Paul Ludwig Troost est né le 17 août 1878 à Elberfeld, en Rhénanie-Westphalie, près de Düsseldorf. Descendant du peintre classique néerlandais Cornelis Troost, il est l’élève de Ludwig Hoffmann à Darmstadt. Après un séjour en Italie, il revient en Allemagne et s’installe à Munich où il demeurera jusqu’à sa mort. Il se spécialise tout d’abord dans la décoration intérieure et travaille pour de nombreuses personnalités, ce qui lui assure rapidement une importante renommée. Il réalise de nombreux travaux (Théâtre de marionnettes de Munich, et nombreux transatlantiques de luxe de la Norddeutscher Lloyd).

      Durant la Grande Guerre, souffrant d’une grave maladie de cœur, il n’est pas mobilisé et, conformément aux nécessités du temps, réalise la constructions de bâtiments militaires.

 

 

http://img203.imageshack.us/img203/8769/hitlerinaugurationdelam.jpg      C’est durant la guerre qu’il fait la connaissance de d’Oswald Spengler et d’Houston Stewart Chamberlain et qu’il devient professeur. Après le "diktat de Versailles", il revient à ses travaux d’avant-guerre et réalise la décoration de nombreux paquebots ; ce n’est qu’en 1930 qu’il fait une rencontre décisive : celle d’Adolf Hitler.

      Paul Ludwig Troost adhère au NSDAP et devient l’architecte du parti, qui devient dès lors son unique employeur. Son adhésion au national-socialisme est total : il siègera pendant plusieurs mois au conseil municipal de Munich. C’est dans cette ville qu’il transforme l’ancien Palais Barlow en siège du parti national-socialiste à la demande d’Adolf Hitler. Le bâtiment, surnommé la « Maison brune » (Braunes Haus), est sa première grande réalisation pour le parti (1). L'inauguration se déroule en décembre 1930, en présence d'Adolf Hitler (photo à gauche).

 

 

      Paul Troost a été inspiré par plusieurs courants dans sa jeunesse, notamment le style rococo, l’art nouveau du Jugendstil qui se diffuse au tournant du siècle, puis l’« Arts & Crafts ». Il revient ensuite à un néoclassicisme épuré et antimoderne ; c’est lui qui incarnera cette tendance au sein des artistes nationaux-socialistes, puis sa femme Trudy, s’opposant à de nombreuses reprises aux ‘Volkische’ partisans d’un style régional.

 

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Le Führerbau.

 

      A partir de 1931, il dessine les plans des bâtiments administratifs de la NSDAP, le Führerbau (2) et il obtient surtout la commande de la Maison de l'Art allemand (3). La première pierre est posée pour la Journée de l’Art allemand, le 15 octobre 1933. Les commandes s’enchaînent : il reçoit la mission de transformer la Königsplatz, toujours à Munich, d’aménager les appartements du Führer dans la Chancellerie de Berlin et de construire la nouvelle Chancellerie. Il n’aura pas le temps d’achever ces projets : il décède le 21 janvier 1934. Médaillé d’or à l'Exposition universelle de Bruxelles, du ainsi que du Prix national allemand des Arts et des Sciences en 1936 et du Grand Prix à l'Exposition internationale de Paris de 1937 (à titre posthume), il avait été nommé à la fin de 1933 membre d’honneur de l’Académie prussienne des arts.

 

 

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La Maison de l’Art allemand

(comme toutes les images fixes de cette page, cliquer pour agrandir)

 

      Adolf Hitler, qui a véritablement découvert l’architecture grâce à lui sera affecté par sa mort ; il offrira à Paul Troost des funérailles officielles et il sera célébré longtemps comme « le premier architecte du Führer ». Lors de la commémoration des dix ans de sa disparition, Hermann Giesler le présente comme le « créateur du nouveau style architectural allemand ».

http://img88.imageshack.us/img88/5309/020bp.jpgLes travaux prévus sur la Königsplatz de Munich.

 

      Sa femme Trudy Troost poursuivra une partie de ses travaux et conservera auprès d’Adolf Hitler une place importante de conseillère – c’est elle qui décore les résidences du dirigeant à Munich et à Berchtesgaden. Ses avis seront craints de nombreux concurrents.

 

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Diaporama présentant une trentaine de photos de bâtiments construits par Paul Troost.



      Paul Ludwig Troost allait avoir comme successeur Albert Speer, qui a laissé son témoignage sur les relations entre Adolf Hitler et son prédecesseur :

 

« Les tracés de cette reconstruction virent le jour dans le modeste studio de l'architecte Troost, dans la petite maison au fond de la rue Theresien à Munich. Dans le même studio des plans furent faits pour un nouveau code de l'urbanisme, les plans de la Königsplatz à Munich, la maison des Arts allemands et beaucoup d'autres bâtiments du Führer. Les plans de ces importants bâtiments ne furent jamais vus par le Führer dans ses bureaux officiels. Pendant des années lors de ses moments perdus, il alla voir les plans des nouveaux projets directement dans l'agence de Troost. Mais le Führer ne s'est pas occupé par lui-même uniquement de la supervision des plans ; chaque détail, chaque nouveau matériau recevait son approbation et beaucoup furent améliorés grâce à des suggestions fructueuses. Ces heures de battement dans son emploi du temps devinrent, comme l'a souvent confessé Hitler, des heures de joie pure et un profond sentiment de bonheur pour lui. Elles lui firent du bien, et il donnèrent la force de mener à bien d'autres projets. Là il eut l'opportunité, durant les quelques heures de répit que la vie politique lui accorda, de se dédier à l'art de construire. [...]

En Paul Troost, artiste irremplaçable, le Führer trouva son architecte. Troost comprit comment utiliser les intentions d'Hitler et comment fournir la forme architecturale adéquate. Le Führer lors de son grand discours de la rencontre culturel du parti du Reich en 1935, donna un éloge funèbre au Professor Troost qui ne pouvait constituer un plus bel hommage fait à un architecte de notre temps. Hitler dit : "Nous devrions être heureux et fiers que par une étrange fatalité l'Allemagne possédait le plus grand architecte depuis Schinkel, dans le nouveau Reich et pour le Parti. Il érigea ses premières et, malheureusement, seules immenses œuvres de pierre comme un monument dédié à la vraie pureté allemande et teutonique." »

 

 

 

 

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La Garde éternelle à Munich

 

 

1. Le futur Führer fera accrocher un portrait de Henry Ford dans le bureau pour le remercier de son soutien. Les travaux ont été financés notamment par Fritz Thyssen. Les assassins de la mémoire ont fait détruire le bâtiment entre 1945 et 1947.

 

2. Les travaux de la "construction du Führer" ont duré de 1933 à 1937 ; après Paul Troost, c’est Leonhard Gall qui a dirigé la construction. C’est notamment dans les bureaux du Führerbau qu’ont été signés les accords de Munich.

 

3. Son projet est choisi contre celui d’Adolf Abel ; les deux architectes s’opposent sur la direction à donner à l’architecture du régime. Après la mort de Paul Troost, la même rivalité opposera Trudy et Adolf Abel.

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10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 11:39
Frizt Koelle (Augsbourg, 10 mars 1895-Probstsella, 4 août 1953) commença à étudier l'art peu avant la Première Guerre mondiale à l'Ecole des Arts et métiers de Munich. Engagé volontaire pour la durée de la guerre, il achévera sa formation entre 1918 et 1923 à l'Académie des Beaux-Arts, sous la direction de Hermann Hahn.

Il voyage en Europe, de l'Italie au Danemark, en passant par l'Angleterre et la France. Il s'attarde surtout dans les grands centres industriels : proche du communisme et influencé par Constantin Meunier, ses oeuvres exaltent le travail et les travailleurs, tout particulièrement les mineurs et les ouvriers des hauts-fourneaux. Fils d'un artisan qui avait créé son propre atelier de constructions métalliques, il épouse la peintre Elisabeth Karmann issue d'une famille de mineurs.





Der Hammermeister
(Le maître des forges, bronze, 1932-33)




Il obtient dès les années 1920 une importante renommée : son Blockwalzer, de 1,9 m de haut est installé sur la Melusinenplatz de Munich. Elle est retirée après l'avénement du IIIe Reich, considérée comme une œuvre « bolchevique » ; Fritz Koelle est pendant quelques mois attaqué mais obtient rapidement les faveur du nouveau régime qui apprécie son travail qui magnifie le travail allemand.



Adler - Aigle pour la façade du ministère des Postes
(Bronze, Berlin, 1937).


Il participe à divers concours, comme en 1934 pour l'érection d'un monument célébrant la victoire des Corps francs et de la Reichswehr sur les bolcheviks ; en 1935 il réalise une Saar-Gedenkprägung pour l'Hôtel des Monnaies bavaroise et, à la fin de cette même année, une exposition lui est consacré à Augsbourg, avec le soutien des autorités. Dès lors, il obtient de nombreuses commandes publiques : un Adler de 8 mètres d'envergure pour le bâtiment de tri postal à l'Anhalter Bahnof de Berlin.




Der erste Mann vom Blockwalzwerk
(Le chef d'équipe des lamineurs, bronze, 1940)




Insigne faveur : un industriel a offert son « Betender Bergmann » à Adolf Hitler ; celui-ci l'a installé à la Chancellerie, à l'entrée de sa chambre de travail. Huit de ses œuvres sont exposées pour la Grande exposition de l'Art allemand de 1940.



Der Steinbrecher
(Le casseur de pierre, détail, 1942)



Il continue à travailler durant toute la durée de la guerre. A l'issue de celle-ci, il met en avant sa courte disgrâce et s'installe dans la partie est de l'Allemagne, tombée dans la dictature communiste.







Bidlnis Horst Wessel
(Buste de Horst Wessel, bronze, 1940)
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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 12:02
Paul Bronisch (Komptendorf, 1904- Neuhausen/Spree 1989) fut un important sculpteur allemand du XXe siècle. Marqué par néo-classicisme, il fut, avec Arno Brecker et Josef Thorak, l'un des sculpteurs principaux du Troisième Reich.
Il est à noter qu'il n'existe aucune page en français le concernant sur internet.




Ruhende (Le repos)


Ce fils de pasteur vécut dans sa jeunesse dans l'Allemagne occidentale. A l'aube de son adolescence, sa famille partit s'installer dans le land de Brandebourg, près de la frontière polonaise. A 19 ans, il intégre, avec Théo van Gosen, l'académie de Breslau avant de partir pour Munich, où il subit notamment l'influence de Bergnhard Bleeker, avec lequel il travaillera pour divers monuments dont le monument aux morts de Munich. Après avoir parcouru l'Europe, Paul Bronisch s'installa à Berlin. Il est choisi pour réaliser les deux statues monumentales de granit qui gardent l'entrée du grand sanctuaire de Tanneberg.
Il reçoit durant la période nationale-socialiste de nombreuses commandes. En 1940, il sculpte deux nouvelles statues monumentales pour le nouveau bâtiment du quartier général du NSDAP à Berlin, et travaille pour la Reichsbahn, le ministère de l'Aviation, etc.




Figure féminine monumentale
pour le bâtiment administratif du NSDAP à Berlin.


Vers 1943, Albert Speer lui confiera l'aménagement de la Wihlemplatz à Posen, puis la réalisation de quatorze bustes de célèbres médecins allemands pour la cour d'honneur de la Reichsärztehaus.




Primavera


C'est à cette époque que son atelier est totalement détruit par un bombardement allié ; ce dernier projet ne pourra d'ailleurs être terminé et Paul Bronisch déménage à Salzbourg.
Après la guerre, il a vécu à Kassel puis à Munich.




In Memoriam
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15 avril 2007 7 15 /04 /avril /2007 12:13
Né le 15 avril 1877 à Waldheim an der Zschopau (Saxe), Georg Kolbe était le quatrième enfant du peintre Emil Kolbe. Il étudie le dessin à l’Ecole des Arts et métiers de Dresde puis, en 1895, s’inscrit à l’Académie de Munich, tout en fréquentant l’école privé Hollosy ; il suit notamment les cours de Hackl et Otto Seitz. Il ouvre son premier atelier alors qu’il n’a que 20 ans, à Schwabling. Il part cette même année à Paris, s’inscrivant à l’Académie Julien ; il se lie alors avec Hans Albrecht Harrach.
Entre 1898 et 1901, il vit en Italie ; ce voyage est déterminant puisque c’est sa rencontre avec Richard Scheibe qui le décide à devenir sculpteur. Ses premières œuvres sont influencées par Michel-Ange et Rodin.

Revenu en Allemagne, il rencontre lors du festival de Bayreuth la jeune élève de chant de Cosima Wagner, Benjamine van der Meer de Walcheren ; il l’épouse en février 1902. Il s’installent à Leipzig, puis Berlin, tout en voyageant encore : Tunis, Paris, Florence. En 1912, sa statue Tänzerin, exposée à Berlin, connaît un grand succès.
A la déclaration de guerre, il se porte volontaire et servira dans l’aviation. Il reçoit des commandes pour des monuments aux morts et à la fin de la guerre, il est nommé professeur par le Königliches Ministerium de Berlin. Il se lie durant cette époque avec le peintre Karl Schmidt-Rottluff ; il se tourne pour un temps vers l’expressionnisme.
Sa femme décède en 1927 ; il s’installe dans une nouvelle maison dont il a dessiné les plans. Il multiple les œuvres et les voyages : en Grèce, en URSS.

Il n’a pas tout d’abord les faveurs du nouveau régime en 1933, soupçonné d’être proche du Parti communiste. Mais son talent lui ouvre les portes : il réalise une sculpture monumentale pour le stade olympique de Berlin, reçoit le prix Goethe en 1937. Il réalise un buste de Franco, qui sera comme cadeau d’anniversaire à Hitler.
Les commandes se multiplient, alors que dès, 1939, on lui découvre un cancer. Figurant parmi les très rares artistes dispensés de guerre (avec Arno Breker, Klimsch et Thorak), il poursuit son travail ; mais en 1943, une mine aérienne détruit son atelier ; il se réfugie en Silésie.

Après l’invasion de l’Allemagne, il se plie au reniement obligatoire pour pouvoir travailler. Il peut alors achever son monument Beethoven, commencé dès 1927 avant de mourir, le 20 novembre 1947. une fondation Georg-Kolbe est créé en 1949 ; l’année suivante, sa maison devient un musée Georg-Kolbe.

Quelques oeuvres de Georg Kolbe :


Der Morgen (Le Matin) (1925) :





Georg Kolbe (photo)

 


Autoportrait :





Die Auserwählte (L'Elue) (1939) :





Die Hüterin (La Gardienne) (1938) :





Menschenpaar (Couple) (1937)





Herabschreitender (Homme en train de descendre) (1940) :





Dem Genius Beethoven (1927-1947) :





Ring der Statuen (I) :





Ring der Statuen (I) :










Ehrenmal für die Gefallenen des Weltkrieges (Stralsund) –
Monument aux morts de la Grande Guerre (Stralsund) (1935)





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20 janvier 2007 6 20 /01 /janvier /2007 12:02
Une video extraite des actualités allemandes de la Seconde Guerre mondiale, présentant Arno Brecker travaillant dans son atelier.
On y voit quelques-unes des oeuvres du plus grand sculpteur allemand du XXe siècle.



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31 août 2006 4 31 /08 /août /2006 12:01
[Olivier Carré mourrait il y a 12 ans. Voici un texte de Jean-François Gautier lui rendant hommage (article paru dans le numéro 81 d'Eléments, de novembre 1994, visible sur le site du GRECE].



Olivier Carré habitait la foudre...


Mais une nuit d'août 1994, elle l'a emporté à jamais vers tous ces possibles d'où il avait rapporté les images qui laissaient stupéfaits ceux qui voyaient pour la première fois ses tableaux. Jean-François Gautier était sans doute celui qui connaissait le mieux son travail. Nous lui avons demandé de nous en livrer le sens.


Une espérance sans foi
 Olivier Carré, Eléments 37
Olivier Carré, couverture du n°37 d'Eléments

Peintre et sculpteur, Olivier Carré laisse une oeuvre dont les critères d'élaboration furent exclusivement esthétiques. ll se refusait lui-même à toute doctrine, et il serait hors de propos de vouloir lui en attribuer une. Mais s'il n'y a pas de philosophie d'Olivier Carré, il existe bien une philosophie de son oeuvre, de ses choix, de ses efforts vers une certaine forme de vérité picturale. Elle se confond pour partie avec la quête continue d'une compréhension lucide de ce monde, mais selon des critères extrêmement exigeants : ne jamais illustrer un savoir ou une vérité préalables, et tenter tout ce qui pourrait servir d'outil pour devenir, sans compromis avec l'hostilité de l'époque, et sans renier non plus les formes du passé.
L'une de ses premières toiles marquantes, Le Travailleur, condense déjà les principales lignes de force de son oeuvre : la thématique de la technique vient interroger une part des revendications de l'époque et les conditions qu'elles fixent à l'épanouissement de la liberté, et le tableau lui-même est compris comme une sorte de locution interjective sur le mode du " Qui vive ?" Autant dire qu'on chercherait en vain dans ses toiles un accomplissement serein. Ce que disait d'Héraclite le poète René Char s'applique à son art : " ll savait que la vérité est noble et que l'image qui la révèle, c'est la tragédie. " Son domaine était celui d'une espérance sans foi, d'une conscience débarrassée de toute réponse complice qui, entre l'homme et l'homme, interposerait une doctrine et aliénerait la liberté. Peu d'artistes en ce siècle se sont ainsi exercés à la contestation constructive des dogmatiques convenues, sinon quelques surréalistes libres, Dali qui inspira ses premiers essais, ou Chirico qu'il admirait.
 Olivier Carré, Eléments 40
Olivier Carré, couverture du n°40 d'Eléments

Une philosophie exigeante et ardue sourd de son oeuvre, qu'un concept ne peut réduire tant ses tableaux étaient des incitations et non de quelconques solutions données à des problèmes qu'il aurait nettement formulés. Son Athéna nucléaire tout autant que quelques portraits de commandes privées montrent une expression de l'humain perçu comme une liberté à conquérir, une liberté qui doit être refusée si elle n'est qu'une permission donnée par d'autres, par la société, par quelques individus députés à cette fonction, ou par le monarque même ; la liberté telle que la comprenait esthétiquement Carré n'est pas même envisagée comme soumise à une volonté consciente, ni dépendante de la réalisation d'un projet calculé ou d'un ordre politique ; elle doit sourdre de l'action, sortir d'elle comme sa principale conquête, quel que soit l'objectif pratique qui est visé. Le rôle social des individus, pour lui, importait peu ; seule l'attirait leur capacité à l'action novatrice et à la mise en oeuvre d'une forme nouvelle et créatrice. Autant dire que, pour l'essentiel, Carré ne voyait autour de lui que des esclaves sans grande consistance, et s'amusait de leurs ballets. ll haïssait, pour les mêmes raisons, le circuit des galeristes et des critiques d'art.
Son étonnante faculté de sollicitation apparaît aussi dans les Têtes qu'il fixa en différents endroits de la planète : face au siège de l'ONU à New York, sur une digue danoise, sur des blockhaus de la côte atlantique, sur une tour dominant les marais de Saintonge ou sur les quais de la Seine, notamment sept exemplaires aux pieds du palais du Louvre, apposés au cours d'une opération nocturne réglée comme une action de commando. Un visage cyclopéen, dépourvu de références anatomiques humaines, remugle darwinien tourné vers l'inconnu du devenir, incarne là une sommation à vivre debout qui vomit les conformismes.
 Olivier Carré, Têtes
Olivier Carré, Têtes (500*520)


Un autre monde possible
Le personnage vivait, de la même manière, interrogeant sans cesse, exigeant des réponses à ses questions, et les contestant aussitôt reçues, cherchant la matière de ses oeuvres dans les interstices du savoir et de la volonté, dans les bizarreries de l'optique, dans le dénuement total de la conscience de soi confrontée au nocturne, aux rêves, à la lumière crue des projecteurs qui éclairaient son atelier. Son oeuvre laisse à ses spectateurs une interrogation toujours ouverte : le rêve moderne d'un homme dont la grandeur serait conditionnée par avance étant nul et non avenu pour cause de morale dévastatrice, il reste, pour chacun, à se placer dans l'exaltation de la liberté d'action et de jugement, dans l'absence de sécurité, dans la réclamation de la gloire ou le constat de l'échec ; mais de cela, qui est encore capable ?
De quelque bord qu'on la prenne, l'époque se pâme devant les revendications. Mais elles sont toutes d'essence technique et attendent les projets ou les entreprises qui les mettent en oeuvre et tentent de les satisfaire. Carré, quant à lui, construisait sa peinture comme un événement capable de regarder son spectateur depuis l'avenir. La négation déréalisante du présent et l'affirmation péremptoire d'un autre monde possible avaient chez lui, quitte à prendre la forme d'une provocation, la même vocation à la disponibilité, la même ouverture vers l'exigence de devenir. Son art ne revendiquait rien d'objectivable. ll traduisait, poussée à ses limites extrêmes, la conscience strictement poétique et généreuse que l'artiste n'a pas à nommer la réalité des choses mais à désigner l'étrangeté qu'elles recèlent, l'inaccompli qu'elles révèlent. L'énoncé conceptuel relève de la raison, qui peut opposer des thèses et leurs contraires puisqu'elle les élabore elle-même ; les facultés propres à un créateur comme Carré ont une autre vocation : lever le voile des vérités juvéniles, ne jamais en compromettre le mystère, ni interrompre la complexité du monde, attiser le feu chaque fois que possible, montrer le geste et habiter la foudre. Sa demeure était l'éclair.
 Olivier Carré, Eléments 36
Olivier Carré, couverture du n°36 d'Eléments
separation txt notes






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3 août 2006 4 03 /08 /août /2006 13:11

Anton Grauel est né le 25 janvier 1897 à Soden-Salmünster (Hesse-Cassel). Descendant d'une vieille famille d'artisans, il travaille comme tailleur de pierre parallèlement à ses études de graveur et sculpteur sur pierre à Fulda, de 1911 à 1914. Il a alors 17 ans quand la Grande Guerre débute. Il sera mobilisé de 1916 à 1918.

Il travaille ensuite dans les ateliers de sculpture décorative (avec Richard Scheibe à Francfort-sur-le-Main) puis, en 1932, s'installe à son compte à Berlin. Son Tryptique : la Justice - la Vaillance - la Paix (Triptychon "Friede - Tapferkeit - Gerechtigkeit" (parfois appelé Allégorie) réalisé pour un poste de la Lutwaffe est présenté à la Grande Exposition de l'Art allemand de 1938.



Tryptique : la Justice - la Vaillance - la Paix (1937)

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Il reçoit la même année le Prix de la ville de Berlin. Parmis ses oeuvres, la Jeune fille agenouillée ("Kniende"), les bas-reliefs les Archer (reliefgruppe Bogenschütze) et les Hommes à l'entraînement (Männer in Ubung), Le Regard, le Couple (Liebende), Elevation (Erhebung)...Mère et son enfant (Mütter und Kind),...



Mere et son enfant (Mütter und Kind) (1945)

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Hommes à l'entraînement (1940)



 

Il quittera l'Allemagne pour s'installer aux Etats-Unis d'Amérique en 1951, où il poursuivra une carrière de scultpteur. Il semble avoir abandonné le style "national-socialiste" pour des formes plus épurées.

Il est mort en 1971.

 

 

 



Elevation (Erhebung) (1939)

 

 



Couple (Leibende) (1940)

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21 juin 2006 3 21 /06 /juin /2006 13:25

La caricature de Chirac en primitif d'hier était bien entendu le fait de Chard.

La sculpture n'était pas d'Arno Brecker, mais de Josef Thorak. Elle s'intitule Zwei Menschen (Couple). La renommée de cet artiste allemand a été brouillée par deux événements : la concurrence d'Arno Brecker d'une part, et ses nombreuses commandes réalisées pour les autorités du IIIe Reich. Quoi qu'il en soit, cela n'enlève rien de son talent et son style mérite d'être reconnu.

D’origine prussienne, Josef Thorak est né le 7 février 1889 à Salzburg (Autriche) .

Eduqué au cloître de Salzbourg, il commence à 14 ans l’apprentissage deu métier de poêlier. Il apprend la céramique à l’ancienne, notamment en voyageant dans toute l’Europe centrale et les Balkans. Il travaille pour le Tsar Ferdinand de Bulgarie avant de rentrer à Vienne, en 1906. Il suit les cours du soir de l’Ecole des Arts et Métiers en travaillant la journée comme potier. Il suit les cours du sculpteur Harnak et du professeur Müller et reçoit à la veille de la Grande Guerre une médaille d’or récompensant son œuvre artistique.

 

Suivent des années difficiles après son installation à Berlin où ; après quelques mois à la guerre, il part vivre dans une ferme comme cultivateur. Il reçoit à partir de 1919 diverses récompenses pour ses monuments, notamment aux morts. « Son art, parfois qualifié de “naturalisme monumental”, est à cette époque très influencé par Rodin et l’école naturaliste de Manzel, avec de fortes réminiscences musicales du vieux baroque autrichien » (Mortimer G. Davidson, Kunst in Deutschland). Il devient célèbre et accumule les prix ; un film le prend même pour sujet (Schaffende Hände). Après de nombreuses réalisations en Turquie, il revient en Allemagne en 1935.


Prometheus (Prométhée)

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Son art est reconnu mondialement et les commandes se multiplient. Ses deux groupes conçus pour l’exposition universelle de Paris de 1937 (Kameradschaft - camaraderie - et Die Familie - la famille -) remportent le Grand Prix du Jury international.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son activité augmente avec la guerre. Mais à la fin de celle-ci, avec la chute du IIIe Reich, de nombreuses de ses œuvres sont détruites ou volées par les troupes américaines.  Il est rejeté par les tenants de "l'art dégénéré" à nouveau à l'oeuvre.




Fahnenträger (Le porte-drapeau):

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Il est acquitté en 1945, mais on lui interdit de travailler pendant quelques années. Il poursuit clandestinement son œuvre et réalise un certain nombre de sculpture d’inspiration religieuse.




Mutter mit Kind (Mère et enfant):

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Club Acacia

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