Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 mars 2009 6 14 /03 /mars /2009 14:57
[Reproduction de l’exposé fait par André Gandillon pour l’Œuvre française (qui présente cet intéressant texte) le 2 mars 2009 à Paris (publié aux Études nationalistes, mars 2009)]



    La 24e université du Club de l'Horloge a été consacrée, en décembre 2008 au populisme. Le populisme est en effet un mouvement qui connaît un certain développement en Europe et il est important d'en analyser la nature. Tel sera l'objet de la présente étude.
    Les mouvements qualifiés de populistes ont pour caractère commun de s'inscrire dans le cadre du système qu'ils sont sensés critiquer et rejeter.
    Certes, ils se révoltent contre le mondialisme niveleur et négateur des peuples et des nations. Certes, ils relatent le sentiment de nombreuses couches de la population qui ressentent un malaise à voir leur cadre de vie bousculé, qui sont indignés du mépris de la part d'un pouvoir qui affiche sa sollicitude envers les étrangers légaux ou illégaux, qui sont victimes d'une société où l'ordre public n'est plus assuré efficacement, la dégradation de leur niveau de vie.
    Ils bénéficient de ce point de vue d'un courant naturel de sympathie de ceux qui refusent le déclin de leur pays. Les solutions proposées, comme le recours à la démocratie directe, à la restauration de l'autorité, à la prise de mesures destinées à protéger l'identité et à affirmer la souveraineté des États ne peuvent, là encore, qu'être bien reçues par nombre de contempteurs des dérives actuelles.
    Pour autant, ces mouvements populistes développent-ils une action politique adaptée à la situation ? Plus profondément, leur programme répond-il de manière appropriée aux défis de l'heure ? Telles sont les questions auxquelles nous devons répondre.


La signification du « populisme »

    Tout d'abord, quelle est la signification du terme de « populisme » ? Dans populisme, il y a peuple. Or ce mot revêt au moins deux acceptions. Considéré en tant que communauté humaine, le peuple se rapporte à cette communauté de destin dans l'universel, dotée d'une identité spécifique et unique qui la distingue des autres communautés qui l'entourent ; mais il fait aussi référence au peuple, en tant qu'entité sociologique, à savoir la masse, la plèbe par opposition à l'élite.
    Il est clair que, si les populistes se réfèrent à la première acception, les tenants du régime se réfèrent à la seconde. Autant la première définition donne une assise d'essence nationaliste, autant la seconde est péjorative : elle témoigne d'une volonté de mépriser et de disqualifier des mouvements qui s'appuient sur le corps de la population, ce corps étant dépeint comme replié sur lui-même et constitué des éléments inférieurs de la société, de ces petites gens présentées comme incultes et manipulées par quelque démagogue aventurier. La manière dont ont été traités les électeurs et les militants du Front national lors des élections où ce parti a obtenu de substantiels succès comme en 2002 suffit à illustrer cette analyse.
    Suspecte, cette connotation l'est d'autant plus dans la mesure où l'appellation de populisme n'est pas le fait des tenants de ce courant mais celui de ceux qui fabriquent le discours officiel ou officieux, à savoir les analystes et autres journalistes politiques inféodés au système ou en étant les porte-parole. Mais, pour fâcheux que ce soit, cela ne suffit pas à discréditer les mouvements populistes.
    Par ailleurs, ces mouvements revêtent bien des particularités selon les États et les régions du globe où ils sont apparus et se sont développés. Au-delà de la revendication de s'appuyer sur les classes moyennes ou inférieures de la population, quels rapports y a-t-il entre le « populisme » d'un Hugo Chavez ou d'un Evo Morales et le « populisme » d'un Berlusconi et de ses alliés ou du Front national en France, voire le « populisme » de Vladimir Poutine en Russie ?

    Notre propos doit donc être resserré sur ce qui nous concerne directement à savoir les mouvements « populistes » nés dans les États de l'Union européenne, l'U.E..



Une incohérence fondamentale

    La première caractéristique des mouvements populistes réside dans le fait qu'ils se veulent être des mouvements électoralistes et démocrates. Ils ne visent à rien d'autre que d'être reconnu et surtout acceptés institutionnellement, autrement dit, acceptés et reconnus comme des organisations politiques respectables, au même titre que les organisations régimistes existantes. En définitive, leur aspiration est d'accéder au pouvoir pour appliquer leur politique par le truchement respectueux de la démocratie électorale et de participer ainsi à l'alternance démocratique qui constitue l'essence même du jeu de la démocratie dite représentative.
    Ils contestent seulement les dérives du système, à savoir l'idéologie mondialiste, le droit-de-l'hommisme, tout ou en partie selon les personnes, l’immigration massive qui menace la stabilité de nos sociétés, la logique du libre-échange absolu.
    Mais c'est justement là que le bât blesse. Ils ne se rendent pas compte, ou ne veulent pas se rendre compte que le système démocratique, posé et absolutisé comme principe universel, est devenu indissociable des dérives politiques qu'ils dénoncent. Par conséquent, leur attitude ne peut être que très inconfortable. Il existe en effet une contradiction certaine entre le fait de vouloir être membre actif à part entière du système en bénéficiant de l'honorabilité afférente et développer des critiques sérieuses quant à son fonctionnement et à son évolution alors que ceux-ci lui sont inhérents.

    En fait, cette attitude s'explique par une erreur fondamentale que commettent les populistes : ils se disent et se pensent comme étant sincèrement démocrates, convaincus que, malgré des défauts qu'ils n'hésitent pas  à mettre souvent en valeur, la démocratie est encore le moins mauvais des systèmes politiques et qu'il est possible de l'amender. Plus encore, peut-être, pensent-ils qu'il est illusoire de songer à l'instauration de tout autre système, le monde en place étant là pour très longtemps, en tout cas à longueur d'éternité pour une vie d'homme. Certes, ils peuvent bien envisager qu'il se produise des catastrophes, mais rien qui puisse remettre fondamentalement en cause la marche du monde et son organisation.
    Ce n'est pas tout. En se préoccupant seulement d'électoralisme, les partis populistes oublient ou feignent d'ignorer que le pouvoir démocratique repose, comme l'avait bien analysé Augustin Cochin à propos de la Révolution française, sur des sociétés de pensée discrètes, agissant en arrière-plan de la scène politique mais étant les véritables détentrices du pouvoir. De ce fait, elles ne sont pas atteignables par le système électoral dans la mesure où ce sont elles qui en détiennent les clefs et qui le manipulent. La nature du système démocratique fait que le pouvoir politique institutionnel n'est pas nécessairement le centre réel du pouvoir.
    Le seul moyen de s'emparer du pouvoir est d'en investir les centres effectifs que sont les sociétés de pensée. Or celles-ci sont trop bien organisées pour se laisser subvertir de manière significative. Dès lors, sauf à développer les siennes propres et à conquérir le terrain que celles-ci ont su opiniâtrement occuper au fil de dizaines d'années, avant d'espérer prendre le pouvoir démocratiquement, l'option réformiste devient caduque par impossibilité.


L'épreuve de l'histoire

    De ce fait, vouloir modifier la politique d'un système en devenant un rouage de celui-ci relève de l'impossibilité. Le système dispose d'un nombre suffisant de pare-feu, de filtres immunitaires pour éviter de se laisser gangrener légalement, pour se laisser investir de l'intérieur.
    Certes, dans l'histoire il y a eu des accrocs, le principal étant l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler par les voies légales en 1933. Mais le système a été tellement effrayé de cet événement qu'il a mis en place un puissant appareil de défense allant jusqu'à lobotomiser les intelligences, de telle manière qu'un tel danger de subversion est, à vue d'homme, circonscrit. Certes, des accrocs peuvent se produire mais ne concernent pas un pays d'importance majeure. Le cas du Venezuela d'Hugo Chavez, par exemple, dérange mais Chavez lui-même n'est pas en mesure de subvertir le système et de le mettre à bas dans son propre pays, pour peu qu'il le veuille. Plus encore, certains « populistes » arrivent au pouvoir mais ne conservent qu'un vernis : le cas du Brésilien Lula da Silva est éloquent.

    Observons maintenant ce qui se passe dans les États européens où un parti populiste a obtenu un succès électoral tel qu'il a pu accéder au gouvernement comme en Autriche et au Danemark. Néanmoins, il convient de remarquer qu'il n'y sont parvenus qu'en situation de parti d'appoint au sein d'une coalition, ce qui revient à en émousser fortement la capacité d'agir. Quel est leur bilan ? En Autriche, la ligne directrice du pouvoir n'a pas été modifiée : l'immigration, pièce maîtresse du programme, y est toujours aussi peu maîtrisée après le passage de l'ÖVP de feu Georg Haïder qu'auparavant. Au Danemark, les lois sur l'immigration ont été renforcées ; mais elles ne mettent pas pour autant le Danemark à l'écart de la pression immigrationniste qui assiège le continent européen. Il y a seulement un frein ; mais pour combien de temps, dans la mesure où en démocratie parlementaire, l'alternance politique est le lot des gouvernements.
    En Italie, la Ligue du Nord, préoccupée des seuls problèmes régionalistes de la plaine padane, est présentée comme parti populiste et le gouvernement de Berlusconi n'est pas le plus à gauche des gouvernements dits « de droite ». En fait, rien de substantiel ne change : l'Italie continue à souffrir des mêmes maux économiques, n'a pas enrayé l'immigration incontrôlée ; mieux, le gouvernement laisse le patronat faciliter l'immigration et les régularisations.
    En fait, ces partis populistes parviennent à participer au pouvoir parce qu'au fond, ils partagent pour l'essentiel la même philosophie démocratique que leurs partenaires, ainsi que nous l'avons déjà signalé.


Du bon usage de l'électoralisme

    Pour autant, faut-il rejeter le combat électoral ? Non, mais à condition de ne pas se laisser prendre dans les rets du système, à condition de ne pas être dupe et de n'en faire qu'un outil parmi d'autres pour lutter contre le système. L'utilisation du mécanisme électoral, compte tenu de ce qui a été énoncé précédemment, ne doit pas avoir pour objectif de contribuer au fonctionnement du système ou du régime mais de servir les intérêts des organisations __ ou, mieux __ de l'organisation qui s'y oppose et le combat. Le parti bolchevique avant 1917 avait su le comprendre.
    Les moyens de ce service sont multiples et dépendent des circonstances. C'est un outil médiatique dans la mesure où les élections permettent de faire connaître des idées, de constituer un courant de masse qui aidera à établir des ramifications dans tout le pays. Ce peut être un moyen d'investir, au hasard des événements, tel ou tel poste d'influence, notamment la conquête de mairies de petites localités, celle de certains postes-clefs ou d'observation dans telle ou telle organisation, comme les prud’hommes qui ne sont pas à proprement parler des institutions politiques ; cela peut constituer des relais toujours utiles. Il ne s'agit pas de vivre coupé du monde, mais dans celui-ci et de savoir en utiliser les outils qu'il nous offre à son corps défendant .Mais il faut toujours prendre garde à ne pas se laisser séduire par les sirènes du système toujours promptes à agir. Seuls, un état d'esprit révolutionnaire -et non pas réformiste - et une bonne formation doctrinale permettent d'éviter ces écueils.
    Il ne faut pas tomber dans les travers de ceux qui, ayant obtenu quelque siège dans une assemblée, se pressent de jouer les forces de proposition inspirées de leur programme populiste pour aider à l'amélioration du système. Car toute aide revient à combattre contre son propre camp dans la mesure où l'on peut contribuer à renforcer l'adversaire et à fourbir ainsi des armes contre soi-même. Et même, si au sein d'assemblées des propositions allaient dans le sens souhaité, il est impossible de les voter dans la mesure où, d'une part, n'étant pas établies par nos propres soins elles sont inévitablement d'une inspiration philosophique différente : en d'autres termes, il s'agit de faux amis. En outre, même dans l'hypothèse d'école où elles seraient pleinement conformes à nos vœux, elles ne pourraient être cautionnées car leur mise en application ne pourrait être que mal conduite dans la mesure où elle le serait par des gens qui ont une vision politique différente de la nôtre.


L'absence de doctrine

    Une autre caractéristique de ces mouvements est qu'ils n'ont pas de doctrine. Leur être réside avant tout dans une vision électoraliste des problèmes à résoudre. Ils ne disposent pas de doctrine ferme et sûre qui leur permettrait de se fixer des principes politiques non négociables, une ligne d'action qui ne se vicie pas d'accommodements liés aux faiblesses de l'électoralisme. L'absence de doctrine fait que leurs propositions subissent des variations, substantielles ou non, au fil des ans, selon les modes intellectuelles, selon les événements, selon les concessions qu'ils pensent devoir faire pour être mieux compris. Or, s'il faut se garder d'une inutile rugosité, il ne faut jamais transiger sur les principes.
    D'ailleurs, lors de la 24e université du Club de l'Horloge, Didier Maupas, son vice-président, a résumé l'esprit du populisme en le présentant comme étant d'abord « un cri de douleur des peuples européens autochtones ... victimes de la mondialisation et qui lancent ... un cri d'alarme face à l'immigration de peuplement » et « une révolte » contre les élites mondialistes. Ces propos ne sont pas anodins. Ils révèlent que le populisme est une réaction épidermique de gens qui se sentent agressés. Il s'agit avant tout d'un sentiment ; plus encore d'une « douleur » et d'un « cri d'alarme ». Or, si pousser des cris d'alarme est toujours mieux que de rester muet, car cela prouve au moins que les gens s'aperçoivent que quelque chose ne va pas, cela ne constitue pas une pensée réfléchie ni une doctrine. Et les gémissements n'ont jamais rien produit de bénéfique.

    Certes, on rétorquera que des penseurs analysent le mal qui provoque cette douleur et théorisent la réaction populiste : nous sommes en train de voir ce qu'il faut en penser. Mais la remarque de Didier Maupas est révélatrice de l'origine du mouvement populiste : la réaction de gens qui se satisfaisaient très bien du système en place avant que celui-ci ne dévoile une nouvelle étape de son développement, à savoir la volonté d'éradiquer les nations, comme le disait dès 1972 Edmond de Rothschild. Il s'agit de personnes qui n'ont toujours pas compris la nature viciée et perverse du système issu de la révolution de 1789 et conforté après 1945 en Europe. Dès lors, ils ne peuvent que présenter des armes fortement émoussées pour combattre la situation présente. En fait, ils ne représentent pas un réel danger pour celui-ci.
    Économiquement, ils n'ont pas la perception de la nature du système : ils restent fondamentalement libéraux, même avec des nuances. Et s'ils critiquent la mondialisation économique, ils ne défendent pas une doctrine économique et une doctrine financière capables de conduire la politique économique nationale capable de résoudre les maux qu'ils dénoncent.


La souveraineté

    Quant à leur conception de la souveraineté, elle demeure nominale. Mais qu'est ce que la souveraineté ? Elle se définit par rapport à ce qui est souverain, c'est-à-dire à toute autorité d'où procèdent toutes les autres, au dessus de laquelle il n'y a rien de plus élevé.
    Au point de vue des États, la souveraineté signifie une indépendance absolue en droit d'un État à l'égard de tout autre État ou autorité supérieure étrangère ou supranationale. La souveraineté se rapporte donc à la fonction de pouvoir et, précisément de pouvoir d'État dans le cas présent.

    Le courant souverainiste, qui se rattache à la nébuleuse populiste, justifie son existence par sa volonté de rétablir la souveraineté des États qui est en train de se diluer dans l'Union européenne, l'U.E.. Leur dénonciation de la perte de l'autonomie, de l’indépendance de décision des États au profit de la Commission européenne constitue leur cheval de bataille. La dénonciation est juste ; cependant cela dénote une conception essentiellement juridique de la souveraineté. Ce que les souverainistes ont en vue est avant tout l'indépendance juridique, politique des États membres actuellement d'une U.E. qui les transforme en simples États fédéraux d'une fédération européenne. (1)
    Or l'indépendance ne se mesure pas au seul point de vue du pouvoir politique. Certes, il s'agit d'un pouvoir essentiel, mais il n'est pas seul. De nos jours, il est concurrencé par d'autres pouvoirs, voire en passe - si ce n'est déjà fait - de leur être inféodé, notamment le pouvoir de la finance, le pouvoir économique de sociétés transnationales, voire le pouvoir moral et financier de ces organisations internationales, sinon internationalistes que les sont les Organisations non gouvernementales, les ONG.
    Économiquement, les colossaux montants d'endettements sous toutes leurs formes, étatiques, collectivités locales sont une des formes de destruction de souveraineté. En est une autre l'organisation du travail mondial qui se met en place : elle consiste à ce que plus aucun État ne soit en mesure de maîtriser la totalité de ses chaînes de production, tant pour l'industrie que pour l'agriculture avec les Monsanto qui détiennent le monopole des graines. Que dire des courants d'immigration allogènes qui sont poussés de toutes parts contre le continent européen ? Que dire de la manipulation des esprits fondée sur le réchauffement climatique ? Il y a une logique à l'œuvre dont il faut avoir la conscience la plus claire possible.
    Comment un État peut-il être souverain, disposer d'une défense nationale sûre, lorsque la nation dont il est la colonne vertébrale a perdu la maîtrise de son économie ? Lorsque cet État voit sa souveraineté monétaire battue en brèche par la finance internationale et apatride ? Lorsque cet État se retrouve infiltré, perverti par des groupes de pression, des sociétés de pensée qui ont des ramifications avec l'étranger, à moins que celles-ci ne soient que des ramifications d'organisation étrangères ? (2)
    Les souverainistes déplorent certes bien des travers de la présente situation, comprennent qu'il faut maintenir des industries vitales pour la nation à l'intérieur des frontières nationales mais ne présentent aucun projet capable de restaurer à terme cette souveraineté monétaire, économique, intellectuelle. Au fond, ils demeurent attachés aux principes du libéralisme économique. Les principes d'une économie orientée et d'une finance fondée sur une autre base que la monnaie d'endettement leur sont inconnus sinon étrangers. La souveraineté monétaire n'est qu'une condition préalable ; elle n'est rien sans les techniques financières appropriées.
    En quelque sorte, ils veulent retrouver une organisation économique du même ordre que celle qui existait dans les années 1960, époque mythique à bien des égards pour beaucoup de gens.

    Mais la situation a changé. L'ouvrage est gigantesque : il faudra bientôt reformer une main-d’œuvre qui aura été coupée de toute une tradition de savoir-faire de tours de mains, tout ou presque sera à reconstruire. Cela nécessitera bien autre chose que la simple revendication du rétablissement de la souveraineté nationale ; cela nécessitera de mettre en place une société de corps intermédiaires économiques.
    Pour ce faire, une doctrine et une conception complètes et cohérentes sont nécessaires. Elles existent : ce sont la doctrine et la pensée nationalistes. Il semble utile de rappeler que le nationalisme, doctrine prônant la primauté du spirituel sur le matériel, est un élan vital qui refuse la mort de la nation, envisage et résout chaque problème par rapport à la France ; il est unité de doctrine, de direction et de méthode, ce que n'ont ni les partis populistes et souverainistes.
    Il importe toutefois de préciser qu'il ne s'agit pas d'attaquer les personnes. Il existe parmi les membres des partis populistes et souverainistes un spectre d'opinions allant des réformistes aux opposants plus catégoriques. Il est parmi eux des gens qui prennent conscience des travers présentement dénoncés ou qui, en ayant pris conscience ou le sachant clairement dès l'origine, pensent encore jouer un rôle d'essence révolutionnaire semblable à celui décrit précédemment. II ne s'agit pas de leur jeter d'opprobre. Le moment venu, les positions se clarifieront autour du pôle nationaliste qui constitue la matrice à partir de laquelle une direction nouvelle sera prise effectivement.


André Gandillon



(1) Encore, lorsque l'on parle de souveraineté de la France, faut-il se rappeler que par deux fois, les dirigeants de la République ont voulu des abandons de souveraineté : en juin 1940 avec Raynaud et Churchill, en 1956 avec Mollet et Eden lors de l'affaire de Suez ; cela bien avant que l'on brade notre souveraineté juridique avec l'U.E.. N'y a-t-il pas une sorte de penchant malsain dans le monde politique français ?

(2) Précisons, même si cela paraît casuiste, que cette remarque ne vise pas l'Église dans la mesure où, s'occupant de questions spirituelles, étant universelle, elle n'a pour rôle que d'informer les intelligences de principes formateurs qui sont aussi bien intemporels qu'universels. Les relations entre spirituel et temporel sont régies par l'adage christique « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Partager cet article
Repost0
5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 14:58

[Voici un article tiré du numéro 109 de Défense de l'Occident, daté de février 1973 et donc paru il y a plus de 35 ans. Il  n'a, dans ses développements comme dans sa conclusion, rien perdu de sa pertinence, ni de son actualité.]




L’hypothèse de la « croissance zéro »

        Depuis quelques temps déjà, existe un courant d’inquiétude quant à la finalité de la croissance sans précédent qui est devenue la caractéristique des économies occidentales. Ce courant, cependant, prenait davantage l’aspect d’une critique philosophique ou éthique que celui d’un mouvement scientifique. Certains travaux de « futurologues », comme Bertrand de Jouvenel, avaient un aspect trop partiel ou trop peu spectaculaire pour provoquer l’inquiétude du grand public. Les travaux effectués par la fameux club de Rome ont pris une toute autre dimension, en raison à la fois de la personnalité des chercheurs et de l’optique globale dans laquelle ils avaient abordé le problème. Il ne se passe désormais plus guère de mois sans que quelque publication ou quelque nouvelle autorité scientifique ne vienne confirmer la tragique plausibilité de l’hypothèse d’un arrêt de la croissance économique ou de la disparition de notre espèce.
        Excès de population, épuisement proche des sources, d’énergie, comme des ressources alimentaires, augmentation des pollutions au-delà du seuil de tolérance humain, accentuation des disparités économiques, sans parler des troubles psychiques et sociaux (criminalité, alcoolisme dépressions, etc. ...) dus aux conditions de vie dans les grandes concentrations urbaines et industrielles vont atteindre le stade où, nous dit-on, la production quantitative croissante de biens matériels mettra en péril notre survie même.

        Or, le contraste est grand entre la terrifiante gravité de cette éventualité et les réactions suscitées : Quelques controverses scientifiques, l’apparition de plusieurs mouvements et journaux plus ou moins sérieux, plus ou moins manipulés par des éléments marxistes, la création d’un ministère de l’environnement au budget grotesque, une mode déjà déclinante qui a rempli les colonnes des journaux et les colloques organisés par Giscard d’Estaing, la passivité du public qui compte sur la science et le gouvernement pour résoudre ces problèmes comme sur des divinités omnipotentes. Certes, on n’a pas toujours tort de dénoncer la collusion entre les milieux industriels pollueurs et ceux de la presse et de la politique. Il n’en reste pas moins que la faiblesse de ces réactions traduit davantage une inadaptation idéologique : l’incapacité des structures mentales capitalistes et marxistes à envisager l’éventualité d’un arrêt de la croissance économique.


Echec du mythe libéral

        Face à cette possibilité la pensée libérale hésite entre trois attitudes le rejet, l’utopisme et la récupération. Le compte-rendu des rencontres organisées par, le ministère de l’économie en juin dernier nous offre un assez bel échantillonnage.
        Certains technocrates, mystiques du développement économique à outrance, refusent cette problématique affirmant qu’il suffira de d’établir un contrôle des naissances efficaces. Une telle affirmation fait preuve pour le moins d’optimisme, dans la mesure où les politiques malthusiennes menées dans les pays sous-développés ont échoué jusqu’à présent. D’autre part c’est ignorer que dans un pays comme la France (dont le taux de fécondité est proche de celui de la stabilisation démographique, malgré une politique nataliste), chaque individu est 16 fois plus polluant qu’un habitant du tiers-monde.
        D’autres se réfugient dans une mentalité utopisante l’appel au mythe du progrès scientifique omnipotent, sous-jacent à l’idéologie démocratique, est évident : « on » trouvera de nouvelles sources d’énergie, « on » parviendra à éliminer les déchets, etc. … Au contraire, nous disent- ils, l’industrie antipollution sera source de nouveaux profits et quiconque ne pense pas que le bonheur humain est conditionne par la production d’un plus grand nombre de machines à laver et par leur répartition plus égale est un obscurantiste ennemi de la conscience universelle.

        Plus cohérente est l’attitude de certains libéraux, comme l’américain John Diebold, pour qui les mécanismes du marché restent aptes à intégrer ces données nouvelles. Il suffit de rétablir dans sa pureté le système libéral, en faisant payer à l’entrepreneur tous les coûts occasionnés par la production, y compris les coûts écologiques (destruction du milieu naturel épuisement de ressources rares). On voit cependant assez mal le système libéral s’imposer cette auto-discipline. Dans l’Etat démocratique, le pouvoir, trop dépendant des consultations électorales pour mener l’action à long terme, trop lié aux intérêts particuliers pour imposer des mesures restrictives nécessairement impopulaires semble mal adapté à ce combat pour la survie.

        Le régime des démocraties occidentales est peut-être le plus apte à réaliser l’optimum économique des profits maximum pour un maximum d’individus; mais il est sans doute inconciliable avec l’optimum social voire avec la perpétuation du corps social. Comment concilier cette affirmation avec celle selon laquelle, en cherchant à réaliser son intérêt égoïste, l’« homo economicus » réalisera en même temps celui de la collectivité (le même individu étant censé ne plus penser qu’à l’intérêt général dès qu’il a un bulletin de vote entre les mains). Il sera de plus en plus difficile de nous faire croire que le bonheur se mesure à la pente des courbes de Produit National Brut.
        Or, privé de toute justification métaphysique, le système démocratique n’a pu fonder sa légitimité sans un mythe : celui de l’augmentation sans fin des satisfactions matérielles. Ces dernières années la faiblesse de ce mythe, incapable d’entraîner le consensus d’une grande part de la jeunesse, est devenue évidente : nous n’en voulons pour preuve que la mollesse des réactions occidentales face à la subversion idéologique. C’est dès à présent son écroulement qui doit être envisagé, avec pour conséquence celui d’un ordre incapable de survivre faute d’un minimum d’images et croyances communes.


Marxisme et croissance

        Du côté marxiste l’incapacité à assimiler les données nouvelles de l’écologie est quasi totale. Certes il ne manque pas de groupes dits « gauchistes » (surtout aux Etats-Unis) pour vouloir faire déboucher la critique écologique sur celle du capitalisme et, il y a peu de temps, Roger Garaudy soutenait une thèse ingénieuse : le temps serait venu où la propriété privée des grandes industries serait inconciliable avec leur caractère dangereux. Mais il s’agit là de cas numériquement peu importants concernant des marginaux d’une orthodoxie douteuse. Pour les marxistes sérieux la « mode écologique » est « une drogue sociale, un nouvel opium du peuple » un hochet avec lequel la bourgeoisie essaie d’empêcher la prise de conscience du prolétariat et le détourne de la lutte des classes. (Urbaniser la lutte des classes, Paris, Utopie, 1970, p. 52).
        En effet l’idée d’un arrêt de la croissance est inconciliable avec le mythe de l’Histoire aboutissant à une société d’abondance, de bonheur, sans aliénation, etc. ... Si, pour Marx, il appartient au prolétariat, accomplissant sa mission messianique, d’établir cet Age d’Or, la lutte des classes n’est pas l’explication ultime de cette dynamique. En dernière analyse ce sont les forces productrices qui, se développant et entrant en contradiction avec les modes de production (division du travail et type propriété) sont à la base de toutes les autres contradictions, c’est-à-dire de toute l’histoire. Dans L’Idéologie allemande Marx déclare (Editions sociales, p. 52) : « Le développement des forces productrices… est une condition pratique préalable, absolument indispensable, car sans lui c’est la pénurie qui devient générale, et avec le besoin c’est la lutte pour le nécessaire qui recommencerait et l’on retomberait fatalement dans la même vieille gadoue ». Traduction française : pas de société communiste si les forces productrices ne peuvent atteindre un développement suffisant, pas de paradis sur terre si la croissance s’arrête.

        Sans aller jusqu’à cette hypothèse la seule affirmation de la rareté de certains biens naturels met en pièces la théorie économique marxiste. En effet, si dans la valeur d’un produit il faut tenir compte de la rareté de certains biens qui y sont incorporés (minerais, énergie) la théorie de la valeur travail, clef de voûte du socialisme « scientifique » perd toute crédibilité, la valeur d’un objet n’étant plus uniquement fonction du temps nécessaire à sa production.
        Si les thèses des écologues s’avèrent exactes, toute prétention du marxisme à être une science s’écroule pour révéler sa nature véritable de vieux mythe millénariste rhabillé avec les défroques prudhommesques du XIXe siècle.


Repenser nos taches politiques?

        L’examen des réactions du capitalisme et du marxisme à l’hypothèse de la croissance zéro nous conduit donc à dénoncer à la fois leur sclérose idéologique et les valeurs qui leur sont communes : matérialisme, historicisme, croyance à la science et au progrès, optimisme, hédonisme, etc. ... Ce n’est pas une bien grande découverte pour ceux qui comme Drieu la Rochelle pensent que : « Ce n’est pas étonnant que de Petrograd à Shanghai on parle Marx et on pense Ford. Un amour profond pour les buts du capitalisme est inclus dans la furieuse critique de Marx » (Socialisme fasciste, p 110). Or, il se trouve encore un certain nombre d’esprits à qui ces buts font horreur, au nom d’une conception plus exigeante, plus militante et peut-être plus esthétique de la vie, parce que, selon le conseil de Julius Evola, ils refusent la démonie de l’économie et veulent lui rendre sa vraie place : celle de moyen du politique. Seuls de tels esprits, libres des dogmes du temps, pourront s’adapter à des données politiques fondamentalement nouvelles. Il faudra beaucoup de lucidité pour critiquer de nouvelles possibilités qui apparaissent dès à présent : Conflit entre le tiers-monde et les pays développés en raison de l’accroissement du fossé économique ? Evolution du conflit vers des formes raciales ? Resserrement de la solidarité occidentale ? Evolution de l’Etat gestionnaire chargé d’assurer la prospérité des citoyens vers un pouvoir de salut public ? Apparition d’une autorité internationale à l’échelle du combat pour la survie ? Formation d’une caste technocratique d’écologistes prenant une large influence politique ? etc.
        Dans la mesure où la critique de ces éventualités, de la plus plausible à la plus fantaisiste, doit déboucher sur des contre-projets concrets, la tentation de l’utopie sera dangereuse. On assiste dès à présent à des réactions de fuite, à la création de pseudo abbayes de Thélème : par exemple le village communautaire de Pierre Fournier en Savoie. Celui-ci, il est vrai disait dans une lettre à Nouvelle Ecole :

« Il s’agissait de recréer un clan et non de faire une communauté au sens gauchiste du terme. Si vous voulez, je considère le projet comme révolutionnaire, mais pas de gauche... Je suis, profondément, avec mon obsession de l’enracinement, de la fidélité, de la pérennité, un type de droite. J’ai vraiment très honte ».


Venant d’un journaliste de Charlie Hebdo une telle déclaration devrait faire réfléchir ceux qui ne voient dans le mouvement écologique qu’un avatar de la contre-culture américaine ou la nostalgie gauchisto-hippie du bon sauvage. Quand bien même l’hypothèse envisagée plus haut ne se réaliserait pas, l’attitude de scepticisme devant les bienfaits de la croissance semble devoir à la fois se généraliser et prendre un visage plus précis (qui sera peut-être celui d’une contestation scientifique). Il importe de comprendre combien ces aspirations souvent confusément, parfois lucidement comme chez Fournier, sont celle d’une école de pensée qui se veut vouée à la défense de l’Occident. Pour le marxisme et le libéralisme l’être humain est réductible à un concept, celui d’individu à un bulletin de vote, à sa force productive, à son rôle de contractant économique, bref à une abstraction. A cette conception de l’esprit s’oppose celle de la personne membre d’une civilisation, d’une culture, d’une ethnie, d’une nation et tout naturellement de la nature. L’idée que notre liberté ne peut s’affirmer et notre être s’enrichir que de relations harmonieuses avec ces entités, cette revendication d’un enracinement qui soit aussi une identité, la volonté d’un accord avec un passé et un monde en qui nous découvrons notre propre visage, telles sont les caractéristiques d’une « droite » qui n’est ni celle des coffres-forts ni celle de l’ordre dans la rue. Pour lui ressembler il ne manque même pas au mouvement anti-pollution un aspect nostalgie de la vie rurale (pour ne pas dire retour à la terre) ni la haine du monde industriel considéré comme anonyme et antinaturel.

        Défendre l’Occident ne doit pas signifier subir les coups de l’adversaire et regarder mélancoliquement diminuer la peau de chagrin de ce qui peut encore être sauvé. Ceux qui sauront comprendre que le temps des nostalgies est révolu et que le mouvement écologique, s’il est dirigé, peut devenir une force politique de premier plan, y trouveront une arme exceptionnelle dans leur combat contre l’ordre ancien.

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2008 6 15 /11 /novembre /2008 19:47

Extraits des discours du Maréchal Pétain sur les trusts

« Le travail des Français est la ressource suprême de la Patrie. Il doit être sacré ! Le capitalisme  international et le socialisme international qui l'ont exploité et dégradé font également partie de l'avant-guerre...

... Pour notre société dévoyée, l'argent, trop souvent serviteur et instrument du mensonge, était un moyen de domination... »


(Appel du 11 juillet 1940)


« Deux principes essentiels nous guideront : l'économie doit être organisée et contrôlée. La coordination par l'Etat des activités privées doit briser la puissance des trusts et leur pouvoir de corruption... »


(Message du 11 octobre 1940)



« Quant à la puissance des trusts, elle a cherché à s'affirmer, de nouveau, en utilisant pour ses fins particulières, l'institution des comités d'organisation économique... Les grandes sociétés s'y sont arrogé une autorité excessive et un contrôle souvent inadmissible. A la lumière de l'expérience, je corrigerai l'œuvre entreprise et je reprendrai contre un capitalisme égoïste et aveugle la lutte que les Souverains de France ont engagée et gagnée contre la féodalité. J'entends que notre pays soit débarrassé de la tutelle la plus méprisable : celle de l'argent.

La révolution nationale n'est pas encore entrée dans les faits parce qu'entre le peuple et moi s'est dressé le double écran des partisans de l'ancien régime et des serviteurs des trusts ».


(Allocution du 12 août 1941)




INTRODUCTION

Trusts et Révolution Nationale

    Après bien d'autres témoignages portés contre les trusts, les discours du Maréchal Pétain sont des documents capitaux, sanctionnés par l'autorité de leur auteur. Dans la nation française, et particulièrement dans ce qu'on appelle les masses populaires, règne un sentiment très profond auprès duquel ils auront trouvé écho. Dans ce domaine, une transformation affirmée dans les textes et attendue dans les cœurs constitue un élément essentiel de la Révolution Nationale.
    S'il est vrai que toute révolution débute par une prise de conscience, il faut donc se demander ce qu'il faut entendre par « les trusts ». C'est ensuite seulement que l'on peut porter un jugement, envisager des réformes et des moyens de lutte. C'est ce que nous voudrions faire très brièvement dans cette brochure, en donnant essentiellement quelques éléments d'information qui permettront, cas échéant, d'apprécier et de soutenir des mesures révolutionnaires.


Les trusts et le règne de l'argent

    Quand on parle de lutte contre les trusts, le vocable de « trusts »  ne désigne plus en aucune façon l'institution de droit anglo-saxon qu'il a qualifié à l'origine. Il éveille un complexe de faits qui constituent l'ensemble du régime économique de notre époque. D'abord le règne de l'argent. La richesse à l'époque moderne possède un caractère particulier : elle peut se traduire à n'importe quel moment en papier qui passe sans effort et sans laisser de traces d'une main à une autre ; le téléphone et le télégraphe lui font franchir l'espace. Elle disparaît soudain en s'éparpillant dans une infinité de portefeuilles, elle se concentre brusquement dans les comptes d'une banque. Toujours mobilisée, ici elle se concentre pour frapper, là elle s'évapore pour fuir la responsabilité ou les coups. Par rapport aux hommes, elle a conservé toute sa vertu tentatrice qui s'est parée de l'attrait nouveau de la discrétion et de la facilité : tout s'achète, tout se vend, c'est le refrain facile du pessimisme. Tous profitent de ces avantages certains, mais tous ont l'intuition plus ou moins confuse qu'ils entraînent de grandes injustices. C'est le triomphe d'un régime de valeurs fictives, de valeurs de représentation qui détachent la richesse des vrais biens que l'homme peut tenir dans ses mains ou sentir sous ses pieds, qui sont des choses qui ont une histoire, une odeur, une dureté ou une douceur valables pour les yeux ou pour la peau. La richesse n'a jamais suffi à épanouir l'homme, même celle des labours profonds ou des forges retentissantes. Mais la richesse moderne plus que toute autre est déshumanisée. Elle engendre la misère des facultés les plus précieuses de l'homme et la misère tout court ; car des hommes meurent tous les jours de ce règne de l'argent, pas tous... Y échappent les habiles qui se débrouillent dans cet univers abstrait et compliqué, les forts qui s'accroissent de toutes leurs rapines, les trusts en un mot.


Les trusts et le règne de la grande entreprise

    Car le régime des trusts est constitué également dons la mentalité commune par l'existence des grandes entreprises, fruit de ce que l'on appelle en langage d'école, la concentration économique (1). Ces grandes entreprises se sont constituées petit à petit aux dépens des plus faibles dont elles ont racheté les moyens de production et absorbé la clientèle. Le chef de petite ou de moyenne entreprise éprouve quotidiennement combien le jeu de la libre concurrence, fondé en théorie sur des notions de liberté et d'égalité, tourne en loi de la jungle. Le consommateur, sans pouvoir analyser lui-même la part de bienfaits ou de méfaits qu'il recueille dans cet état de choses, accuse finalement les trusts de ses malheurs, en vertu du réflexe aussi éternel que l'humanité qui dresse les « petits » contre les « gros ».


L'efficacité de la lutte contre les trusts

    Si l'on trace, face à ces constatations rudimentaires, l'histoire de la lutte des pouvoirs publics contre les trusts, on est frappé de la pauvreté des moyens de combat (manifestations verbales mises à part) et des résultats. Il semble même que chez la plupart des gouvernants, « la lutte contre les trusts » ne corresponde à aucune idée arrêtée, à aucun dessein politique, pas même à un réel jugement de valeur.
    Il serait significatif à ce point de vue de comparer la campagne électorale du Front Populaire de 1936, les discours et les programmes des chefs de parti, avec la pauvreté des réalisations. Pour des motifs militaires touchant aux exigences de la Défense Nationale on a nationalisé quelques très rares entreprises pour le compte du ministère de la Guerre. Pour le ministère de l'Air la prétendue opération de nationalisation a conduit au renforcement des anciens industriels propriétaires. Ces quelques rarissimes opérations n'ont donné aux trusts que l'occasion de montrer que – comme nous l'avons vu depuis – ils prendraient en temps et lieu leur revanche. Pour le surplus, la soudaineté des réformes sociales imposées en 1936 a amené l'effondrement de bien des entreprises moyennes et petites dépourvues des crédits suffisants pour étaler en durée leurs charges nouvelles. En définitive, les trusts ont été les grands bénéficiaires de 1936.
    Des constatations aussi désenchantées conduiraient à se demander si les trusts sont tellement forts qu'il est chimérique de vouloir lutter contre eux, ou bien s'ils sont tellement nécessaires et tellement bienfaisants qu'il faut les accepter tels quels, ou bien encore s'ils ne constituent pas à proprement parler un mythe. Nous pensons qu'ils ne constituent pas un mythe, qu'une certaine lutte contre eux est nécessaire et que, quelle que soit leur force, elle est possible. Mais pour pouvoir justifier ces affirmations, il est nécessaire d'examiner d'un peu plus près lia nature des trusts et de remplacer par des idées claires et précises les vagues notions que recouvre en général le vocable de « trusts ».


Méthode d'exposition : Les trusts comme le problème de structure

    Ces deux intuitions du sens commun sur la notion de trust sont exactes. Ce sont bien de grands organismes (grandes entreprises) qui ont pu se créer grâce à la seule force matérielle (règne de l'argent) qui tranche les différends dans le régime de libre concurrence. Il y aurait bien des manières d'aborder l'étude de leur nature et de leur rôle. Comme les trusts caractérisent essentiellement une « structure » – de l'organisation économique, pour préciser les questions que l'on peut se poser à leur sujet, il est indispensable de commencer par définir ce qu'est une « entreprise ». On verra alors sans peine que les trusts se caractérisent dans le cadre des entreprises à la fois par leur grandeur et la manière dont ils sont gérés.


Notion d'entreprise

    D'un point de vue économique, une entreprise se caractérise du double point de vue de l'unité de direction et de l'unité de bénéfice. Toute entreprise comporte d'abord une direction unique à laquelle tous ses éléments sont subordonnés. Cette unité de direction apparaît facilement dans l'entreprise artisanale qui ne groupe souvent qu'un ou deux ouvriers et un apprenti sous la direction du maître artisan. Elle est également très sensible quoique moins immédiate dans une gronde affaire industrielle où en remontant par tous les échelons d'une hiérarchie parfois étendue on trouve une centralisation dans un homme ou dans un organisme unique : directeur général ou conseil d'administration. Cette unité de direction n'a qu'un seul but, en régime capitaliste tout au moins, le bénéfice. L'entreprise ne peut fonctionner indéfiniment sans faire de bénéfices ; il faut traduire dans un rapprochement, dans une confrontation de tous les services le résultat global, dont la direction est finalement responsable. Ainsi donc unité de direction, unité de bénéfice sont les deux aspects, l'un sur le plan des moyens, l'autre sur le plan des résultats, de cette unité organique qui constitue une entreprise et l'oppose aux autres dans la lutte économique.
    On peut vérifier l'intérêt de cette définition à propos d'une entreprise de construction automobile, si celle-ci possède des ateliers très différents, des usines très dispersées, consacrées à la carrosserie, aux moteurs, aux châssis, aux pneumatiques, aux accessoires, aux engins militaires, elle constitue néanmoins une entreprise unique si toutes ces activités aboutissent finalement à un résultat unique, un seul bénéfice poursuivi sous l'impulsion générale d'une direction unique. L'intérêt de cette définition est d'ailleurs précisément de faire toucher du doigt l'unité réelle d'un groupe d'installations que l'isolement géographique, la diversité des fonctions, ou l'apparence juridique (nous insisterons longuement sur ce point) pourraient faire considérer comme doués d'une autonomie propre.


Les formes d'entreprises

    Cette définition de l'entreprise est une définition économique s'appuyant sur la réalité essentielle de l'effort économique. Elle permet déjà d'analyser la structure d'un milieu donné en dénombrant les entreprises, en caractérisant leur complexité ou leur grandeur. Elle n'est pourtant pas suffisante pour définir une structure économique parce qu'elle laisse dans l'ombre la « forme » de l'entreprise. Qui exerce l'unité de direction ? A quelles personnes sont destinés ces bénéfices qui justifient l'entreprise ? On pose ainsi le problème des rapports entre les divers facteurs -travail, direction et capital – qui concourent à l'activité de l'entreprise. On soulève alors une question non plus seulement économique, mais également juridique : les entreprises peuvent se couler dans le moule de différentes formes juridiques. Pratiquement cette question de formes est déterminante pour classer une structure dans le cadre général du capitalisme; parce que c'est elle qui détermine si ce sont les mêmes personnes qui fournissent à la fois capital, direction et travail (entreprise artisanale) ou bien si ces trois éléments appartiennent à des personnes séparées (société anonyme), ou bien si capital et direction sont réunis (société en nom collectif), etc... Chacun de ces éléments mérite d'ailleurs une étude séparée. On peut se demander à qui par exemple appartient le capital, à l'Etat (entreprises publiques), aux consommateurs (formule coopérative), etc... Comme on le voit, l'étude des formes d'entreprises soulève des questions capitales, dont seule la solution permettra de donner de la description et de la valeur d'une structure une image exacte.
    Ces considérations dictent notre plan dans l'étude des trusts comme problème de structure. Il faut d'abord s'appuyer sur la notion d'entreprise et rechercher comment on peut caractériser les trusts à cet égard. On peut rechercher ensuite quelles formes d'entreprises correspondent aux trusts.
    Par rapport à la définition de l'entreprise, les trusts sont tout simplement de grandes entreprises. On peut donc les définir ainsi : ce sont des organisations complexes qui ont pour objet de faire porter sur des ensembles de plus en plus vastes une unité de direction sanctionnée par une unité de bénéfice. La question capitale qui se pose à leur sujet est la suivante : sont-ils le résultat d'une évolution nécessaire et inévitable, et en cas de réponse négative faut-il contrecarrer leur développement ? Pourquoi et comment ? Nous essaierons de donner une réponse à ces questions dans une première partie « La grande entreprise ».
    Par rapport aux formes d'entreprises, les trusts se caractérisent essentiellement par une direction qui échappe de plus en plus au contrôle du capital et du travail, par des répartitions singulières du bénéfice, par une clandestinité générale de leurs opérations essentielles. Ils emploient essentiellement la forme de la société anonyme et de l'entente industrielle, grâce auxquelles ils échafaudent de vastes structures qui présentent souvent un caractère international. La description de leurs formes fera l'objet de notre seconde partie.
    Comme suite naturelle aux deux parties précédentes, une conclusion-critique présentera le jugement que l'on peut porter sur les trusts en fonction d'une économie que l'on voudrait pénétrée de  justice sociale et du respect de la personne humaine.
    Le schéma de ce fascicule se présente donc de la manière suivante :
    lre partie. Les trusts comme grandes entreprises : leur nécessité et leur valeur.
    2e partie. L'organisation des trusts : sociétés anonymes et ententes industrielles.



Conclusion critique.

Remarque générale sur le caractère essentiel des problèmes soulevés

Avant de clore cette introduction, une remarque corrigera ce que la présentation du problème ainsi conçu a d'un peu sec, d'un peu scolaire. Le problème a été présenté sous l'angle d'une question de structure économique, parce que c'est le plus juste, le plus clair, le plus apte à faire apparaître les perspectives d'une réforme. Mais il faut bien comprendre que ce sont tous les problèmes économiques de notre époque que l'on met en cause. D'abord la question de savoir si l'économie d'une nation est ou doit être dirigée et vers quelles fins ; ensuite et par voie même de conséquence la matière des prix, de l'épargne, du crédit, des rapports entre l'économie nationale et l'économie internationale, etc... Il n'y a pas une des difficultés de la science moderne qui n'ait à être prise en considération en matière de trusts. Nous aurions donc pu écrire, pour éclairer les grands thèmes du débat, un véritable traité d'économie politique en tête de ces développements. Nous avons préféré les faire apparaître au fur et à mesure du progrès de notre exposition pour ne pas surcharger au départ l'esprit de notre lecteur et lui laisser refaire intellectuellement l'expérience de tous les réformateurs. Le problème des trusts ne saurait être justiciable de quelques slogans ou de faciles promesses. C'est à la base même de notre société moderne que l'on s'attaque en en désirant la réforme. Seuls une ténacité indomptable, une prudence poussée jusqu'à la ruse et un idéal sans discussion ni faiblesse, éviteront d'écraser l'homme sous les énormes rouages et le poids de matière que son génie inventif est venu animer des lois de la pesanteur en attendant celles de l'Amour.


Introduction du livre Les Trusts du professeur Paul Reuter, publiée par les Presses universitaires de France pour l'Ecole nationale des cadres d'Uriage.



(1) Dans la terminologie technique, on distingue les termes « trusts », « cartels », « ententes économiques ». Mais les auteurs discutent sur les définitions.


Partager cet article
Repost0
18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 21:00
L'abrégé doctrinal de Charles Maurras
par Robert Brasillach
in
Les Quatre Jeudis. Images d'avant-guerre, Editions Balzac, 1944, 519 pages.





        Mes Idées politiques, publié tandis que l'auteur purgeait ses huit mois de prison imposés par le Front Populaire pour s'être opposé à la guerre possible contre l'Italie en 1937, sont le plus beau livre de Charles Maurras. Je le dis sans oublier cette Somme de ses réflections politiques et critiques qu'est le Dictionnaire (I). Mais le Dictionnaire est un monde, un monde avec ses jardins, ses forêts, ses paysages divers. On s'y promène, on y erre, dans une sorte d'étonnement immense. Devant qui ne connaîtrait pas Maurras, j'ouvrirais sans doute le Dictionnaire au hasard, pour lui enseigner la richesse, la beauté parfois confuse, où voisinent des pages de diamant et des discussions bien mortes, des polémiques oubliées, des vues sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire, des jugements sur les hommes que le temps à dû corriger. Seulement, je crois bien qu'aujourd'hui, je lui donnerais tout d'abord Mes Idées politiques. Car dans ces quatre cents pages, il découvrira la variété, mais aussi la logique, l'ordre, il s'instruira des principes en même temps que de leur application au vrai. Ou plus exactement, car le procédé est toujours inverse, il s'instruira de ce qu'est le monde, et des lois qu'il laisse deviner. Je le répète, c'est le plus beau livre de Charles Maurras, le plus clair et le plus complet à la fois, celui qui fait briller sur nous et sur l'univers le plus de lueurs. Indépendamment des applications, sur lesquelles on pourrait n'être plus d'accord avec l'auteur, il s'occupe des principes du gouvernement et des principes de l'homme.
        On sait comment il est composé. Mme Pierre Chardon, à qui nous devons l'immense labeur du Dictionnaire, a choisi les fragments qui composent Mes Idées politiques. Elle les a mis en ordre, partant des méditations sur l'homme et les principes, la civilisation, abordant les divers éléments de la science de gouverner, puis la démocratie, les questions sociales, et évoquant enfin, pour finir, par un « retour aux choses vivantes », la patrie, fait de nature, la France et les Français, et le nationalisme intégral réalisé (selon Maurras) dans la Monarchie.
        Mais cette partie ne compose que les trois quarts du livre. Le reste est fait d'une préface, d'une méditation sur la politique naturelle, entièrement inédite, et qui est sans doute un des plus beaux « traits de l'homme » qui ait été écrit. Il me semble que, dans l'avenir, cette Politique naturelle écrite  en prison sera aussi célèbre que les textes les plus fameux et qu'on aura à coeur d'aller y chercher les principes de l'éducation des hommes, le sens passionné de leur existence et de leur grandeur. On a déjà dit du Dictionnaire qu'il était une Contre Encyclopédie. Cette Politique naturelle sur laquelle on n'a pas fini de méditer, est un Anti-Contrat social et plaise au ciel qu'il en naisse autant de réflections bonnes et justes qu'il en est né de nuisibles et de fausses de l'oeuvre de Rousseau. De même que le contenu idéologique du Contrat social à servi de base à la République, on peut concevoir un régime qui reposerait sur la Politique naturelle. Elle y serait commentée dans les classes et les Sorbonnes, et des professeurs nous expliqueraient comment l'oeuvre de Charles Maurras a abouti à ces cent pages d'or pur, grâce aux bons soins d'un prince hébreu, sans doute ami des Lettres, et de huit mois de prison pour irénérastie (ce vice inédit, croyez-m'en, est l'amour de la paix).

        « Le petit poussin brise sa coquille et se met à courir.
        « Peu de chose lui manque pour crier : "Je suis libre..." Mais le petit homme ?
        « Au petit homme, il manque tout. Bien avant de courir, il a besoin d'être tiré de sa mère, lavé couvert, nourri. Avant que d'être instruit des premiers pas, des premiers mots, il doit être gardé de risques mortels. Le peu qu'il a d'instinct est impuissant à lui procurer les soins nécessaires, il faut qu'il les reçoive, tout ordonné, d'autrui.
        « Il est né. Sa volonté n'est pas née, ni son action proprement dite. Il n'a pas dit Je ni Moi, et il en est fort loin, qu'un cercle de rapides actions prévenantes s'est dessiné autour de lui. Le petit homme presque inerte, qui périrait s'il affrontait la nature brute, est reçu dans l'enceinte d'une autre nature empressée, clémente et humaine : il ne vit que parce qu'il en est le petit citoyen. »
        Telle est la première de ces pages. Elle seule pourrait nous suffire pour longtemps. Aux temps de ma philosophie, on me faisait réfléchir sur certain petit poulet qui sort de sa coquille, poursuivant l'élan vital qui l'a poussé jusqu'ici à travers sa vie embryonnaire, tel que l'a imaginé Bergson. Mais le petit d'homme n'est pas le petit poulet. Et je pense encore à tous les philosophes qui ont imaginé de remonter à la source, à la première heure, pour en tirer leurs conséquence : Bergson encore, qui affirme au début des Deux Sources de la Morale et de la République que la notion du fruit défendu est ce qu'il y a de plus ancien dans la mémoire de l'individu et celle de l'humanité. Mais, mémoire ou non, il y a quelque chose de plus ancien encore : c'est cette naissance d'un petit animal qui est tout de suite un petit citoyen.
Il ne s'agit pas, pour celui qui veut connaître la raison brillante des choses, de partir de principes abstraits, d'une idéologie, d'une fausse morale, qui ne pourraient que gâter tout. Il s'agit de partir de ce qui existe. Dans les notes sur la morale et la politique que l'on trouve au centre même du volume, toutes les distinctions sont faites comme il convient : « Nous ne savons s'il est juste qu'un fils ne puisse choisir son père, ou qu'un citoyen soit jeté dans une race avant d'en avoir manifesté le libre voeu, le libre choix. Nous savons que les choses ne sont pas maîtresses de se passer autrement. » L'erreur contre laquelle doit se dresser tout politique est celle qui suppose la société née d'un contrat de volontés, alors que la société est un fait de nature.

       
Comment, de l'observation exacte de ce fait, on peut partir pour construire une politique naturelle, c'est ce que verront les lecteurs de ce livre. On ne veut ici qu'en donner une idée, et donner une idée de l'enthousiasme avec lequel on le découvre. Aux temps de sa jeunesse, le vieil helléniste socialiste Bracke-Desrousseaux avait adressé un Lucien à Charles Maurras, avec une dédicasse en grec qui saluait « celui s'est approché au plus près de la chose politique » Telle était alors l'opinion du directeur intérimaire du Populaire [B].
        C'est grâce à cette observation des faits de nature et de ce qui existe que Charles Maurras arrive à définir tant de principes et tant d'idées qui paraissaient si souvent, dans l'esprit des hommes, troubles et faux. Quelques-unes de ses plus belles pages se trouvent sans doute au chapitre de la liberté, où la liberté est toujours conçue comme un pouvoir ou comme une force. Le petit homme que nous évoquions tout à l'heure n'est pas libre, parce qu'il n'a pas de pouvoir et pas de force : « Qui dit liberté réelle dit autorité. La liberté de tester crée l'autorité du chef de famille. La libetré communale ou provinciale crée le pouvoir réel des autorités sociales qui vivent et résident sur place. La liberté religieuses reconnaît l'autorité des lois spirituelles et de la hiérarchie interne d'une religion. La liberté syndicale et professionnelle consacre l'autorité des disciplines et des règlements à l'intérieur des corporations et compagnies de métier. » Et je voudrais citer longuement cette hymne religieuse à la liberté, si grave, si belle, d'une musique raisonnable si profonde : « La liberté, c'est la puissance... Qu'est-ce donc qu'une liberté ? Un pouvoir... Celui qui ne peut rien du tout n'est pas libre du tout. Celui qui peut médiocrement est médiocrement libre. Celui qui peut infiniment est aussi libre infiniment... Une autorité n'est qu'une liberté arrivée à sa perfection. Loin que l'idée d'autorité contredise l'idée de liberté, elle en est, au contraire, l'achèvement et le complément. »
        Mais si ces vérités naturelles, ces vérités de fait, sont la base de la politique, faut-il dire que là doit s'arrêter l'effort de l'homme ? Avec une patience infinie, Charles Maurras se contente d'étudier cette géographie de l'habitat humain, les conditions les meilleures où il puisse vivre. Avant d'être un héros, un saint, un génie, il faut d'abord être. Cette vertu première est si nécessaire qu'on ne saurait rien imaginer sans elle. Toutes les métaphysiques folles oublient cette banale et première condition. A nous l'imposer s'est attachée l'auteur de Mes Idées politiques. Seulement, ces faits comportent leur leçon, leur salut, et on peut aller au delà. Le tout est de suivre l'ordre qui convient. Il faut d'abord « approcher et palper cette précieuse étoffe de la vie en société ». Ensuite, on pourra découvrir, - Charles Maurras l'indique avec discrétion - certains thèmes, certaines vérités d'un autre ordre. « Le voyage aux demi-ténèbres de la physique sociale ne peut se faire sans éveiller, dans leur pénombre, diverses transparences qui éclairent, comme par-dessous, tel et tel plan où nos éléments purement matériels rejoignent nos éléments personnels et moraux, et peuvent même aspirer à atteindre telles parties divines de l'ordonnance de la vie... La conclusion pourrait dépasser la physique. Elle fait entrevoir que l'Etre brut ne peut pas ne pas renfermer une essence formelle et certaine de Bien.... L'humble intellection [C] du sensible élève le filet d'une lumière, qu'on n'attendait peut-être point, vers la méditation des lois supérieures, dont elle vérifie et renforce les termes. »

        Mais il ne serait pas suffisant de voir dans ce livre extraordinaire un étonnant catéchise politique, un compendium [D] des idées de Charles Maurras sur la conduite du gouvernement. C'est aussi, et c'est même avant tout, nous l'avons dit, un Traité de l'homme, qui nous instruit de la manière passionnée que les plus grands textes, tout aussi bien sur notre personne que sur les règles constantes de la société. C'est un Traité de l'homme, de l'homme terrestre, tel qu'il est, vacillant sur son sol, et soutenu par la société que forment les autres hommes, non point par contrat, non point par volonté, mais parce qu'il en est ainsi, et qu'il n'existerait pas si cette société n'existait pas lorsqu'il naît. Alors, il bâtit des villes, il fortifie son foyer de bois ou de pierres plates, il place des gardes armés de flèches sur ses murs et à ses portes, et les chercheurs de lois éternelles peuvent se promener en se tenant le bras au matin profond, tels que Platon les a vus au début du Protagoras.
        Ce n'est pas un philosophe abstrait, ce n'est pas un stoïcien qui écrit ces pages. C'est un homme, au contraire, guidé par le caractère et par le coeur, et qui demande à sa raison les armes nécessaires pour sauver ce que réclame son sentiment, pour sauver les biens tendres et forts dont rêve l'espèce humaine : la paix, la liberté, la beauté, et, somme toute, le bonheur. Le dernier mot de la Politique naturelle nous l'enseigne : « Une pensée juste peut secourir (les hommes), parfois les sauver. C'est avoir pitié d'eux que de dire la vérité ». Ainsi s'accordent le sentiment humain et la force de la raison.

(1937)





(I) Sur le Dictionnaire, voir Portraits (1935).

[A] Charles Maurras fut condamné pour avoir écrit « C'est en tant que juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un peu fort de café: je me hâte d'ajouter qu'il ne faudra abattre physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre impie qu'il rêve contre nos compagnons d'armes italiens. Ce jour-là, il est vrai, il ne faudra pas le manquer. » (L'Action française du 15 mai 1936) Parmi les premières mesures de la chambre de Front populaire figure le réarmement de la France. L'une de ses dernières fut de déclarer la guerre à l'Allemagne. Si la plupart des dirigeants nationalistes français ne sortirent pas vivants d'une guerre qu'ils n'avaient pas voulu, Léon Blum, juif, socialiste, belliciste, anti-allemand, passa tranquillement en France les 5 années de guerre mondiale et poursuivit sa carrière après la guerre. (NDMSR)
[B] Le Populaire était alors l'organe de la SFIO, l'ancêtre du Parti socialiste (NDMSR)
[C] Intellection : « Phénomène sémantique résultant de l'agencement de la signification et de la signification phénoménologique en une entité unique. La notion d'intellection est assez restreinte, seuls les organismes vivants ayant système nerveux pouvant manifester de l'intellection (= compréhension). Ainsi, l'intelligence artificielle comprend seulement par signification, non pas aussi par conscience. D'où, la différence que l'on fait entre intellection par signification et conscience d'une part, et intellection par signification seule d'autre part. » selon Mihai Drãgãnescu, L'Universalité Ontologique de l'Information (traduit, préfacé et annoté par Yves Kodratoff) (NDMSR)
[D] Compendium : recueil rassemblant les points essentiels d'un sujet. (NDMSR)
Partager cet article
Repost0
23 décembre 2007 7 23 /12 /décembre /2007 21:07
[Extraits de la Synthèse de doctrine de la Race par Julius Evola (Ed. de l'Homme Libre, 2002)]



        Les avantages se rapportent à la complète opposition à tout mythe égalitaire et évolutionniste, à la réfutation de l'idéologie démo-maçonnique et de la philosophie des lumières, relatives à l'identité et  l'égale dignité de tout ce qui a forme humaine. Selon la doctrine raciale, l'humanité, le genre humain est une fiction abstraite – ou la phase finale, concevable seulement comme limite, mais jamais entièrement réalisable, d'un processus d'involution, de désagrégation, d'écroulement. En règle générale, la nature humaine est au contraire différenciée, différenciation qui se reflète justement, entre autres, dans la diversité des sangs et des races. Cette différence représente l'élément principal. Elle est non seulement la condition naturelle des êtres, mais encore une valeur éthique, c'est-à-dire quelque chose de bien en soi et qu'il faut défendre et protéger. Sous certains aspects, tous les hommes montrent certainement quelque chose de commun. Mais ceci ne doit pas prêter à équivoque.
         Le racialisme, à cet égard, se présente comme une volonté – que l'on pourrait bien appeler classique – de "forme", de "limite" et d'inviduation. Il exhorte à ne pas considérer comme essentiel tout ce qui, représentant le général, l'informe, l'hybride, équivaut en réalité à un "moins", à un résidu de matière non encore formée. Comme on l'a indiqué, tout ce qui est commun ne vient au premier plan, n'apparait comme "valeur" et en qualité d'"immortels principes", que dans les périodes de régression et de décomposition ethnico-culturelle, où, justement, la "forme" retourne à l'informe. L'"universalisme" – compris, selon l'emploi assez abusif, mais malheureusement devenu courant, du terme, comme internationalisme et cosmopolitisme – il ne faut pas le considérer, à cet égard, comme une idée parmi d'autres, mais comme l'écho et presque l'indice barométrique d'un climat certain de chaos ethnique et de dénaturation des types. Il n'y a que dans un tel climat qu'il est "vrai" : en tant qu'image de la réalité.
         Que le racialisme renforce ici le nationalisme dans ses aspects positifs, c'est bien évident. L'un et l'autre représentent une réaction salutaire, aussi bien contre le mythe démocratique que contre le mythe collectiviste, celui de la masse prolétarienne sans patrie et sans visage ; ils représentent une victoire de la qualité sur la quantité, du "cosmos" sur le chaos, et, comme on vient de le dire, de la forme sur l'informe. Sous tous ses autres aspects positifs, que nous déterminerons, le racisme reflète toujours ces significations-là et, selon ces significations, c'est une doctrine et un "mythe" qu'il faut juger, du point de vue traditionnel, "en ordre". Du point de vue politique, d'autre part, le réveil du sentiment national et racial est une des conditions préliminaires indispensables à la réorganisation cohérente de toutes ces forces qui, à travers la crise du monde moderne, étaient sur le point de se disperser et de sombrer dans le bourbier d'une indifférenciation mécanico-collectiviste et internationaliste. Cette tâche est une question de vie ou de mort pour l'avenir de la civilisation européenne toute entière.

         Le racialisme est, en outre, anti-individualisme. Il continue le fascisme, car – de même que le fascisme et que toute conception politique normale – il se refuse à considérer l'individu en "soi" comme un atome qui devrait presque tirer du néant tout ce qui fait sa valeur ; au contraire, il considère l'homme comme membre d'une communauté – par rapport à l'espace – et – relativement au temps – comme une entité inséparablement liée à la continuité dans le passé et le futur, d'une lignée, d'une souche, d'un sang, d'une tradition. [...]
         Naturellement, si on n'a pas une connaissance exacte des principes, il est toujours possible de finir par se fourvoyer, et c'est ce qui arrive lorsque le coup porté à l'individu tend à impliquer cette chose bien différente qu'est la personnalité. La personnalité n'a rien à voir avec l'"individu", qui, dans sa prétention à être un atome autosuffisant, est une abstraction, une fiction. La personnalité est au contraire quelque chose d'organique ; ke sang, la souche et la tradition en sont les éléments constitutifs et indissociables, de sorte que le renforcement de ces valeurs – favorisés par le racialisme – ne peut que la renforcer et l'affermir. Il est vrai que le collectivisme, combattu dans l'internationalisme, le communisme, et les idéologies corruptrices du même acabit, cherche parfois à réapparaître sous une forme raciale, en affirmant que le dénominateur commun représenté par la nation-race et le sang constitue le point de référence suprême, au-delà de toutes les valeurs de la personnalité et de toutes les différenciations. Une conception cohérente, complète et traditionnelle de la race, comme nous le verrons, évite une semblable erreur et ne suit pas certaines tendances extrémistes du racialisme germanique. Il est certain, en tout cas, que les valeurs de la personnalité ne peuvent s'imposer qu'après avoir détrôné celles que l'"individu", contrefaçon, copie sans âme et mécanisée de la personnalité, s'était abusivement attribuées à l'époque du libéralisme et du rationalisme : c'est exactement en ce sens que l'idée raciale doit être amenée à agir.


Julius Evola                
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2007 4 22 /11 /novembre /2007 21:17
[Discours prononcé par José Antonio Primo de Rivera le 29 octobre 1933 au Théâtre de la Comedie de Madrid.]






Raison et volonté

Pas de préambule de remerciements; simplement « merci » comme il convient à la concision militaire de notre style.

Quand en mars 1762, un homme funeste, J-J Rousseau, fit paraître Le Contrat social, la vérité Politique cessa d’être une vérité permanente. Avant, en des temps plus reculés, les Etats étaient des exécuteurs de missions historiques dont la devise était « Justice et vérité ». J-J Rousseau vint nous dire que la Justice et la Vérité n'étaient pas des axiomes de la pensée mais des décisions provisoires de la volonté.

J-J Rousseau supposait que l'ensemble des individus formant un peuple, créait une personnalité supérieure d'une essence différente de celle de chacun des individus, personnalité infaillible, capable de définir en chaque instant le juste et l'injuste, le bien et le mal. Et comme cette volonté collective, cette volonté souveraine, s'exprime seulement par un suffrage - opinion du plus grand nombre qui triomphe d'une minorité dans la recherche d'une autorité supérieure - il en résultait que le suffrage, cette farce qui consiste à jeter des bulletins dans une urne de verre, avait le pouvoir de décider à tout instant si Dieu existait ou n'existait pas, si la Vérité était la Vérité ou ne l'était pas, si la Patrie devait demeurer ou se désagréger.


L’Etat libéral

Du fait que l'Etat libéral était esclave de cette doctrine, il s’organisa non en exécuteur des destins de la Patrie, mais en spectateur de luttes électorales. Pour l'Etat libéral, il importait seulement qu'il y eût un nombre déterminé de citoyens autour des tables de vote, que les élections fussent commencées a huit heures exactement et terminées à quatre heures, que les urnes ne fussent pas brisées, alors que le bris d'une urne est le plus noble destin que l'on puisse lui réserver. Ensuite, il ne songeait plus qu'à respecter tranquillement la décision du vote, comme si pour lui, Etat, la nature de cette décision n'avait aucune importance. C'est-à-dire que les gouvernants libéraux ne croyaient même pas en leur propre mission. Ils ne croyaient pas qu’ils eussent un devoir important à remplir, ils étaient persuadés que tout citoyen, de pensée politique contraire à la leur, pouvait attaquer l'Etat à tort ou à raison et que ce citoyen avait des droits égaux à ceux qu'avaient les gardiens de l'Etat pour le défendre.

De là naquit le régime démocratique qui est avant tout le système le plus onéreux du fait de la dispersion des énergies. Un homme doué pour l'art de gouverner, qui peut être la plus noble des fonctions humaines, devait consacrer les 80, 90, 95 % de son énergie à répondre à des dossiers de réclamations, à faire de la propagande électorale, à somnoler dans les Assemblées, à flatter ses électeurs, car c'est d'eux-mêmes qu'il allait recevoir le pouvoir, à subir les humiliations et les vexations de ceux qui étaient appelés précisément à se soumettre à cette fonction quasi divine de gouvernement; et, si après tout ce temps perdu, il restait à l'homme public quelques heures matinales ou quelques instants dérobés à un repos agité, c'est alors seulement qu'il pouvait s'adonner aux questions substantielles de Gouvernement.

Vint ensuite la disparition d'un idéal unique parmi le peuple, parce que le système fonctionnant sur la loi du plus grand nombre, celui qui aspirait au pouvoir devait obtenir la majorité des suffrages. Il devait arracher coûte que coûte les voix aux autres partis, et dans ce but, il n’hésitait pas à calomnier ses adversaires, à les accabler sous les pires injures, à dissimuler sciemment la vérité à employer toutes sortes de moyens déloyaux. Bien que «Fratenité» soit un des postulats inscrit au frontispice de la Charte libérale, jamais il n'y eut de collectivités où les hommes s'injuriant, ennemis les uns des autres, se sentirent moins frères que dans la vie turbulente et pénible de l'Etat libéral.

Enfin, l'Etat libéral nous apporta l'esclavage économique, car il dit aux ouvriers avec une tragique ironie : « Vous êtes libres de travailler comme vous l'entendez; personne ne peut vous contraindre à accepter telle condition plus qu’une autre... mais, comprenons-nous bien, comme nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent ; vous autres, citoyens libres. si elles ne vous plaisent pas, vous n'êtes pas obligés de les accepter; mais, citoyens pauvres, si vous n’acceptez pas les conditions que nous vous imposons, vous êtes condamnés à mourir de faim avec toute la dignité libérale». Ainsi il vous a été donné de remarquer dans les pays dotés des Parlements les plus brillants, des institutions démocratiques les plus achevées, que, dès que vous vous éloignez de quelques centaines de mètres des quartiers luxueux vous rencontriez aussitôt des masures infectes, où vivent entassés les ouvriers et leur famille, dans des conditions presque inhumaines. Vous rencontriez également des ouvriers agricoles qui, toute la journée sous un soleil de feu, ployaient l'échine vers la terre et ne gagnaient, grâce au libre jeu de l'économie libérale, que soixante à soixante-dix journées de trois pesetas par an.


Le socialisme

Phalange JONS Falange C’est pourquoi naquit le socialisme; il fut une chose juste (nous ne reculons pas devant la vérité). Les ouvriers durent se défendre contre un régime, qui tout en leur donnant des droits, ne se préoccupait pas de leur accorder une vie normale.

Mais ce socialisme, qui était une réaction légitime contre l'esclavage libéral, va s'égarer premièrement dans une conception purement matérielle de la vie et de l'histoire, secondement dans un sentiment de représailles et enfin dans la proclamation du dogme de la lutte des classes.

Le socialisme, surtout celui élaboré par ses premiers apôtres, qui impassibles dans le silence de leur cabinet, ont conquis la foi des pauvres ouvriers, a été démasqué par Alphonso Garcia Valdecasas. Le socialisme ainsi compris ne voit dans la vie des peuples, qu'un jeu de ressorts économiques; la spiritualité est supprimée, la Religion est l'opium du peuple, la Patrie est un mythe pour exploiter les malheureux. Voilà le socialisme. Il n'y a plus que production et organisation économique. Aussi l'ouvrier doit-il pressurer son âme pour y faire disparaître toute trace de spiritualité.

Le socialisme n'aspire pas à rétablir une justice sociale abolie par le régime libéral, il cherche à user de représailles, il aspire à fonder une injustice dépassant dans le sens opposé l'injustice créée par le régime libéral.

Enfin le socialisme proclame le dogme monstrueux de la lutte des classes; il proclame que les luttes de classes sont indispensables, qu'elles sont naturelles et que rien ne peut les apaiser. Et. le socialisme, juste critique de l'économie libérale, nous apporte par une autre voie, la même désagrégation, la même haine, le même oubli de tout lien de fraternité et de solidarité entre les hommes.



« Dieu ! Quel bon vassal s’il avait un bon seigneur »

Aussi, il en résulte que nous, les hommes de notre génération, quand nous ouvrons les yeux, nous ne voyons qu’un monde ruiné moralement, un monde divisé en tout; et pour ce qui nous touche de plus près, nous voyons une Espagne ruinée moralement, une Espagne divisée par la haine. Voilà pourquoi nous pleurions dans le fond de notre coeur, quand nous voyions le peuple de cette merveilleuse Espagne, où nous découvrions sous l'habit le plus humble, des êtres d'une élégance rustique, incapables de gestes excessifs comme de discours oiseux, qui vivent sur une terre aride, de sécheresse apparente, mais qui nous étonne par la fécondité avec laquelle elle produit ses céréales et élance ses pampres triomphants. Quand nous parcourions ces terres et prenions contact avec ces hommes, nous savions qu'ils étaient torturés par des tyrans locaux, oubliés de tous les groupes politiques, divisés et empoisonnés par des discours retors, il nous revenait à l'esprit que nous étions devant les mêmes hommes qui disaient du Cid, errant dans les champs de Castille, exilé de Burgos : « Dieu, quel bon vassal, s'il avait un bon Seigneur. »

C'est le but que nous recherchons; ce seigneur légitime de l'Espagne; un maître comme celui de Saint François de Borja, qui ne meure pas pour nous. C'est pourquoi nous choisirons un chef qui ne soit pas l'esclave des intérêts d'un groupe ou d'une classe sociale.


Ni droite, ni gauche

Ce mouvement présent n'est pas un parti, mais plutôt un anti-parti, un mouvement, nous le proclamons, qui n’est ni de droite, ni de gauche. La droite, au fond, aspire à maintenir une organisation économique qui s'est montrée incapable et la gauche a anéantir une organisation économique, détruisant dans ce bouleversement les réalisations bonnes qui auraient pu être maintenues. D'un côté comme de l'autre, ces idées sont appuyées par des considérations spirituelles. Tous ceux qui nous écoutent de bonne foi savent que ces considérations spirituelles ont leur place dans notre mouvement, mais que pour rien au monde, nous ne lierons notre destinée à un groupe politique ou une classe sociale se rangeant sous la dénomination arbitraire de droite ou de gauche.

La Patrie est un tout comprenant tous les individus de quelque classe sociale que ce soit. La patrie est une synthèse transcendantale, une synthèse indissoluble devant atteindre des buts qui lui sont propres. Nous, que cherchons-nous ? Que le mouvement présent et le Gouvernement qu'il créera soit un instrument ayant une autorité agissante au service de cette unité constante, de cette unité irrévocable qui s'appelle «La Patrie».



Notre programme : du jugement

Par ce mot, nous définissons entièrement le mobile de nos actes futurs et de notre action présente, car nous ne formerions qu'un parti de plus si nous apportions un programme de solutions concrètes. Les programmes ont l'avantage de ne jamais être réalisés. Par contre, si notre jugement est constamment libre, face aux événements et à la vie, il nous suggérera des solutions aux cas concrets, comme l'amour nous indique quand nous devons montrer de la fermeté ou de la tendresse sans que le véritable amour ait besoin de posséder un programme dosant les disputes et les effusions.

Voilà ce qu'exige notre conception de la Patrie et de l'Etat qui la sert.

Que toutes les contrées d'Espagne, aussi diverses soient-elles, se sentent liées en une destinée irrémédiablement unique.

Que les partis politiques disparaissent, personne en naissant n'est inscrit à un parti politique, par contre, nous naissons tous membres d'une même famille, nous sommes tous habitants d'une commune, nous déployons tous notre activité dans un travail déterminé. Si notre famille notre commune et notre corporation sont les sphères naturelles dans lesquelles nous vivons, quelle nécessité y a-t-il à créer cet organisme intermédiaire et malsain, le parti politique, si ce n'est de nous unir en groupements artificiels qui nous arrachent à nos authentiques réalités.

Nous voulons moins de verbiage libéral et plus de respect de la liberté individuelle, car on ne respecte réellement la liberté de l'homme que lorsqu'elle est estimée comme nous l'estimons, c'est-à-dire la détentrice de biens éternels, l'enveloppe corporelle d'une âme capable de se sauver ou de se damner. C'est seulement lorsque l'on envisage l'homme sous cet aspect que l'on peut affirmer que l'on respecte vraiment la liberté, surtout si cette liberté marche de pair, comme nous le prétendons, avec un régime autoritaire de hiérarchie et d'ordre.

Nous voulons que tout le monde se sente membre d'une société sincère et entière, où les fonctions sont nombreuses : soit dans le travail manuel, soit dans le travail intellectuel, soit dans l'enseignement des usages et des subtilités de la vie. Mais dans la société comme nous la comprenons, disons-le dès maintenant, il ne peut y avoir de parasites ni de paresseux.

Nous ne voulons pas que dans une maison d'affamés l'on accorde des droits individuels qui ne pourront jamais se réaliser, mais que l'on donne à tout homme, à tout membre de la communauté politique par le seul fait qu'il en fasse parti le moyen de gagner par son travail, une vie humaine, juste et digne.

Nous voulons que le sentiment religieux, base des plus belles pages de notre histoire, soit respecté et protégé comme il le mérite, sans que pour cela l'Etat s'immiscie dans une fonction qui n’entre pas dans ses attributions, ni - comme il le faisait souvent en vue d'autres intérêts que ceux de la véritable religion -- qu'il partage des fonctions qui lui sont propres.

Nous voulons que l'Espagne recouvre résolument le sentiment général de sa culture et de son histoire.

Et nous voulons pour terminer, si nous ne pouvons obtenir autrement que par la violence ce que nous demandons, que nous ne nous arrêtions pas devant la violence. Car, qui a dit, - en parlant de « tout plutôt que la violence », - que la suprême manifestation de la valeur morale est la douceur et que lorsque l'on outrage nos sentiments, avant de réagir, nous devons nous obliger à être aimable, aurait très bien dit, si le plus puissant argument était en paroles.

Voilà notre conception de l'Etat futur et nous devons travailler avec ardeur à son édification.


Manière de vivre

  Notre mouvement ne serait pas entièrement compris si l'on croyait qu'il n'est seulement qu'une façon de penser; ce n'est pas une manière de penser, mais une façon de vivre. Nous ne devons pas seulement nous proposer l'édification d'une politique, nous devons adopter dans toutes les manifestations de notre existence, dans chacun de nos gestes, une attitude profondément et entièrement humaine. Cette attitude, c'est l'esprit de sacrifice et, de service, le sentiment spirituel et militaire de la vie. Ainsi donc que personne ne croît que nous venons faire des recrues afin de nous permettre d'offrir des prébendes; que personne ne croît que nous nous groupons pour défendre des privilèges, Je voudrais que ce microphone devant moi porta mes paroles jusqu'au dernier coin des foyers ouvriers pour leur dire : oui nous portons des cravates; oui, vous pouvez dire de nous que nous sommes des señoritos. Mais justement nous apportons un esprit de lutte précisément, pour ce qui ne nous intéresse pas en tant que señoritos; nous entrons dans la lutte pour que beaucoup de notre classe s'imposent des sacrifices durs et pénibles, et, nous entrons dans la lutte pour qu'un Etat totalitaire puisse répandre ses bienfaits aussi bien sur les puissants que sur les humbles. Tels, nous sommes, ainsi que furent toujours les señoritos, d'Espagne. Ils parvinrent à la hiérarchie des seigneurs véritables parce que dans les terres lointaines comme sur le sol de notre Patrie, ils surent faire face à la mort, s'adonner aux tâches les plus rudes pour ce qui, du seul fait qu'ils étaient señoritos, aurait pu ne pas leur importer.


L'arme au bras, sous les étoiles

Je crois que le drapeau est brandi. Nous allons le défendre joyeusement, poétiquement. Certains estiment que pour s'opposer à la marche d'une révolution, il faut, pour grouper les volontés contraires, proposer des solutions mitigées et dissimuler dans sa propagande, tout ce qui pourrait éveiller un enthousiasme, éviter toute position énergique et absolue. Quelle erreur ! Les peuples n'ont jamais été plus remués que par les poètes et malheur à celui qui ne saura opposer une poésie créatrice à une poésie dévastatrice.

Pour notre idéal, soulevons ces aspirations de l'Espagne, sacrifions-nous, renonçons-nous, et nous triompherons, le triomphe (en toute franchise) nous ne pourrons l'obtenir aux prochaines élections. Aux prochaines élections votez pour celui qui vous paraîtra le moins mauvais. Notre Espagne ne sortira pas de ces élections. Notre place n'est pas là dans cette atmosphère trouble, lourde, comme celle d’un bordel, d'une taverne après une nuit crapuleuse Je crois que je suis candidat, mais sans foi, ni respect; je l'affirme dès maintenant, au risque de détourner de moi les électeurs. Cela m'est égal. Nous n'allons pas disputer aux familiers les restes de ces banquets pourris; notre place est au dehors, bien que provisoirement nous puissions y assister. Notre place est à l'air libre, sous la nuit claire, l'arme au bras, sous les étoiles. Que les autres continuent leur festin. Nous resterons dehors, sentinelles fermes et vigilantes, pressentant l'aurore dans l'allégresse de nos coeurs.


Jose Antonio Primo de Rivera




Partager cet article
Repost0

Club Acacia

Rédacteur en chef :
  -Eric Adelofz

Secrétaire de la rédaction :
  -Marie Mansard

Rédaction :
  -Brice Duqueyroux
  -Jérôme Deseille
  -Alexandre Janois

Chroniqueurs :
  -Philippe Régniez
  -Pieter Kierstens


Nous contacter, rejoindre la rédaction, proposer un article, participer aux relectures, faire part de vos idées, de vos suggestions :
  -clubacacia[at]gmail.com.

 

Nos articles sont librement reproductibles, sans possibilité de modification, avec mention de la source (voir la licence complète).

 

Syndication :

  -Flux RSS

  Free counter and web stats

(Droits : Club Acacia 2006-2010)