Journal de combat nationaliste et identitaire : informations, formation, doctrine, chants
Incapable d’assumer quelque réalité que ce soit, Sarközy a remis la lamentable gestion en France de l’affaire tunisienne sur le dos de l’ambassadeur de Tunisie Pierre Ménat. Il l’a limogé dans l’instant. L’affaire servira à l’Occupant à accentuer un peu plus son emprise sur l’appareil d’État puisque c’est l’un de ses proches qui a été nommé, Boris Boillon. Diverses sources ont révélé que les services secrets avaient averti le gouvernement de la gravité de la situation.
La teneur des réactions du président de la République et de ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense aurait suffit à discréditer pour toujours tout régime politique dans une société libre et saine :
« Je crois que ceci s'est décidé très rapidement. Je n'ai pas d'explication. [...] [J’ai] demandé ce qu'il en était à 13h00, y compris en téléphonant en Tunisie. On m'a parlé de ce qui s'était passé le matin. Il n'y avait aucune indication. J'ai eu l'indication au téléphone par un de mes amis qui était tunisien et qui était à Tunis et qui m'a appelé à 18h00 je crois et qui me dit : "Il y a des bruits, on nous dit que M. Ben Ali est parti" »
déclarait benoîtement Michèle Alliot-Marie sur LCI dont l’ami et étranger au monde politique. Elle avait déclaré le 17 janvier :
« Nous sommes restés tout le temps dans un brouillard total. Nous et l'Elysée n'avons rien vu arriver. Ce sont les Américains qui ont pris les choses en main. Ils étaient convaincus que le maintien par la force du régime ne pouvait que faire le lit, à terme, des islamistes. Les militaires américains ont parlé avec leurs homologues tunisiens, et Ben Ali a été prié de quitter, sans plus attendre, le territoire. Inutile de préciser que les Américains n'ont pas pris la peine de nous tenir au courant ».
Alain Juppé ne craignait pas d’avoir l’air ridicule en annonçant de son côté :
« C'est quand même dingue d'apprendre par les radios et les télés ce qui se passe dans un des pays qui nous sont les plus proches. »
Sarközy faisait preuve d’autant de désinvolture en reconnaissant en avoir « plus appris sur la crise tunisienne par l’épouse [immigrée tunisienne] d'Eric Besson et par Besson lui-même que par notre ambassadeur à Tunis » (1).
L’ancien ambassadeur de France en Tunisie, en poste de 2002 à 2005, Yves Aubin de la Messuzière, a publié une tribune libre à dans Libération (2). Les élites d’un régime plus soucieuses des intérêts du peuple tunisien que du peuple français se livrent à des règlements de compte au nom d’idéaux humanistes dévoyés, économiques ou maçonniques, idéaux qui font des Français aujourd’hui, de tous les peuples de la terre, les plus pessimistes (3).
Dans son texte, l’ancien ambassadeur, après un état des lieux des forces en présence de la révolution, revient sur ce que savait le gouvernement, et les compromission des sarközystes et de l’UMP avec le système Ben Ali.
Le renversement du régime de Ben Ali était-il prévisible? On évoque la perspicacité de la diplomatie américaine, dont les correspondances ont été révélées par WikiLeaks, pour mieux critiquer à l’excès une diplomatie française prise de court et inefficace. Aucune chancellerie n’avait inscrit dans ses prévisions le scénario qui a débouché sur la chute du régime Ben Ali. Au cours de la décennie passée, les analyses de notre ambassade à Tunis et celles du Quai d’Orsay soulignaient régulièrement la dégradation des libertés publiques et la répression qui touchait les associations et les organisations non gouvernementales telle que la Ligue tunisienne des droits de l’homme, la première dans le monde arabe. Les rapports diplomatiques mettaient aussi l’accent sur l’exaspération et le mal-être de la jeunesse tunisienne, liés certes au problème de l’emploi mais aussi à l’absence d’espace et d’expression politiques. Enfin, la prévarication et le développement d’un système de prédation du secteur privé de l’économie par le clan Trabelsi étaient perçus comme l’un des risques pesant sur la stabilité du pays. L’antienne de Ben Ali, présentant son régime comme un rempart contre la menace islamiste, relayée avec complaisance par nombre de politiques en France, était considérée dans les notes diplomatiques comme le fonds de commerce du régime et le prétexte pour s’abstenir de toute ouverture politique jugée déstabilisante. L’analyse diplomatique privilégiait le risque de mouvements sociaux à la menace islamiste.
Les autorités politiques françaises étaient donc parfaitement informées des dérives du système Ben Ali, qui rejetait toute référence à la question des droits de l’homme, notamment dans le cadre de la politique européenne de voisinage initiée en 2000. L’expertise du Quai d’Orsay,marginalisé depuis 2007, était négligée. Les propos du président de la République, au cours de sa visite à Tunis en 2008, se félicitant des progrès de l’espace des libertés publiques, avaient suscité l’incompréhension et l’indignation, qui marquent encore les esprits aujourd’hui. Les premières déclarations françaises, au lendemain de la chute de Ben Ali, n’ont pas été à la hauteur de la nouvelle situation puisqu’on s’est contenté dans un premier temps de « prendre acte de la transition démocratique ». Celles-ci sont à mettre en regard de la déclaration de Barak Obama saluant d’emblée le « courage et la dignité du peuple tunisien ». Il en reste la perception, probablement loin de la réalité, que Washington a favorisé la chute de Ben Ali.
1. Cités par LCI et Le Canard enchaîné.
2. Libération du 26 janvier 2011 (édition papier).
3. « Les Francais champions du monde du pessimisme », Le Figaro, 3 janvier 2011. Le sondage montre que les sociétés libérales sont les plus pessimistes ; ce sont également celles qui font le moins d'enfants et où les taux de consommation de drogue sont parmi les plus élevés : des sociétés de mort.