En ces temps de trahisons et de reniements, souvenons-nous de ceux qui gardèrent jusqu'au bout leur honneur et leur fidélité.

Et pour ce souvenir du sacrifice de Bassompierre, ce témoignage de R. L. Bruckberger, religieux engagé dans les rangs de la résistance, et défenseur des miliciens...
J'ai donc vu mourir Darnand. L'exécution capitale est horrible. Mais celle-ci avait une majesté sacrificielle qui la marquait d'une espèce de légitimité. J'ai vu mourir Bassompierre. Cela ressemblait à un mauvais coup. Quand au tout petit jour, nous sommes entrés dans cette cellule, le procureur n'a rien dit. Bassompierre avait compris. Il était debout et habillé. Il attendait. Il eut un rire d'une insolence féroce.
-Vous êtes bien matinaux, messieurs. Vous arrivez comme des voleurs, ah oui, comme des voleurs. Comme des voleurs...
Il fallait faire vite, vite. Comme des voleurs. Pas de messe, vite, vite. Bassompierre va à la fenêtre et d'une voix basse et distincte :
-Pierre, Jean, Marcel, François, ici Bassom ! Au revoir les amis ! Bon courage !
Les policiers se précipitent :
-Chut ! Chut ! Taisez-vous !
-N'ayez pas peur, dit Bassompierre.
Vite, vite ! On s'en va, on entraîne Bassompierre à travers les immenses corridors. Toutes les cellules superposées sont fermées à clefs. Les interminables galeries sont vides. Alors derrière chaque porte de cachot, cinq ou six paires de poings rageusement à cogner. Des centaines de voix crient :
-Assassins !
-Salauds !
-Bassompierre, on te vengera !
Vite, vite ! Tout le monde courbe le dos. La petite troupe s'enfuit, entrainant sa victime enchaînée. Vite, vite ! Le fourgon, le poteau, la salve, le cimetière. Ah, oui ! Comme des voleurs !
C'est ça votre justice ? Elle n'ose même plus regarder ses victimes en face. Quel est celui de ces bons papas républicains qui aura l'estomac de dire et de faire comme Charles IX :
-Tuez-le ! Mais tuez-les tous ! Qu'il n'en reste pas un qui puisse venir me le reprocher.
R. L. Bruckberger, Nous n'irons plus au bois.