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11 mai 2009 1 11 /05 /mai /2009 14:52

[Voici un chapitre extrait du livre de Lucien Duquenne et Pierre Biondini, L'Argentine de Peron qui présente le justicialisme. Notons que les auteurs y adoptent cependant des positions parfois contestables]


El peronismo es humanismo en accion.           

Perón           

 



    Le justicialisme est l'expression argentine du courant d'idées mondiales, caractéristique de notre siècle, qui vise à réaliser dans chaque pays un régime social appuyé sur la nation, conception politique qu'on désigne en France du nom de fascisme, ce mot étant pris dans son véritable sens de doctrine révolutionnaire réalisant la synthèse du national et du social, rendant au prolétaire sa patrie et au nationaliste le sens de la justice sociale. Doctrine universelle comme toutes les grandes idées, mais qui n'apparaît spontanément que dans les pays latins, ce socialisme retrouvé, revêt dans les diverses nations des formes différenciées, créées chacune par le génie particulier de chaque peuple. Le justicialisme est sa forme argentine, profondément marquée du sceau national et différent en beaucoup de points de ce que nous avons pu voir en Europe.
    Émanation argentine de la doctrine philosophique qui, se cherchant depuis Platon, les Gracques, César et la Révolution française de 1789, a eu pour premiers doctrinaires modernes Mussolini, Salazar et Codreanu et pour précurseur argentin Manuel Belgrano, le justicialisme a pour fondateur immédiat Juan Perón. Sans doute pourrait-on montrer ce que la pensée de Perón doit à ses prédécesseurs dans le grand courant national révolutionnaire latin, mais il n'en est pas moins vrai que le justicialisme est le fruit de son esprit et que, sans Perón qui, à point nommé, vint guidé par Dieu, prendre la tête du mouvement social: argentin, celui-ci n'aurait pu naître, ni n'aurait assumé le caractère qui est le sien. Rarement la phrase célèbre de Codreanu : « Ce qui n'est dans la nation que désir informe et obscur, arrive à la clarté dans la conscience d'un chef prédestiné » a trouvé meilleure application que dans le cas de Perón. Si le justicialisme de Perón prend place dans la chaîne déjà longue des mouvements sociaux-révolutionnaires, où ce maillon était d'avance prévu, il n'en est pas moins vrai que le maillon a été forgé par Perón, qui sut le réaliser.
    Voici la définition du justicialisme telle que la donne le théoricien peroniste Raul Mende :

« Le justicialisme est une doctrine dont l'objet est le 'bonheur de l'homme dans la collectivité humaine, bonheur obtenu par l'harmonie des forces matérielles et spirituelles, individuelles et collectives, fortifiées par le christianisme. »

 


    Dans le domaine de la doctrine et des réalisations, le justicialisme s'identifie profondément avec l'idéal fasciste, en ce qu'ils ont tous deux pour but suprême l'intérêt national et populaire, finalité intangible dont ils ne se laissent pas écarter, qu'ils sont l'un comme l'autre une révolution permanente, qu'ils ont en commune le dogme des minorités agissantes, leur aspect de démocratie organisée et de république syndicale, l'obligation qu'ils font à l'Etat d'assurer la prévoyance sociale pour l'ensemble des citoyens, leur rejet du capitalisme comme de la subversion marxiste, de la ploutocratie comme de la démocratie anarchique, leur conception limitée du droit de propriété, leur opposition théorique à la lutte de classe, leur positivité envers les factions, leur condamnation d'un individualisme outrancier comme d'un collectivisme-Moloch, leur axe nationaliste, leur principe d'autorité et de hiérarchie, la troisième position par laquelle ils concilient le matérialisme et le spiritualisme, leurs deux principes impérialistes parallèles.
    Le justicialisme par contre s'écarte nettement du fascisme italien en ce qu'il attache une bien plus grande valeur que ce dernier aux libertés individuelles, qu'il ne réalise pas l'État corporatif et ne donne pas de fonction politique aux syndicats, enfin par son pacifisme et son rejet de la caporalisation. Autre innovation importante, le justicialisme, pour la première fois, applique le nationalisme social à un état de type fédéral sans détruire le fédéralisme.
    Le noyau idéologique commun à tous les mouvements fascistes – troisième force sur le plan politique – vise à l'instauration d'un état révolutionnaire et nationaliste, d'où seraient éliminés la réaction et le cléricalisme et qui réaliserait la justice sociale au moyen de la socialisation des entreprises et de la prolétarisation des organes politiques dirigeants. On le trouve aussi à la base de tout le justicialisme. Il est trois points que Perón regarde comme l'essentiel de sa doctrine et qui pourraient aussi bien être les bases de n'importe quel autre mouvement socialiste. Les voici énoncés par Perón en 1951 :

« Nous, les justicialistes, nous brandissons les trois étendards les-plus importants... Le premier de ces étendards, c'est l'indépendance économique... Le second est celui de la justice sociale... Quant au troisième, c'est celui de la souveraineté nationale. »

 




    Le justicialisme est une révolution constructive et permanente qui procède par paliers, éliminant graduellement les institutions sclérosées pour les remplacer par de nouvelles plus justes. Sous la direction de Perón, la révolution est permanente en Argentine depuis 1945, progressant par étapes et apportant si nécessaire, de nouvelles retouches à ce qu'elle a créé.
    Cette révolution constructive est l'œuvre des « minorités agissantes », suivant une autre caractéristique idéologique du nationalisme social. Ce sont ces minorités actives qui font les révolutions et non les peuples dans leur ensemble. Représentant la partie vivante de la nation et incarnant sa volonté, elles constituent une véritable élite populaire, représentée en Argentine par le Parti peroniste.
    On ne trouve pas en Argentine cette doctrine des minorités agissantes affirmée d'une manière aussi nette qu'en Italie et en Roumanie. Mais elle n'en est pas moins à la base de l'existence du Parti peroniste. Lorsque Perón déclare le 9 décembre 1949 aux délégués de la corporation des employés de banque que va être créée une École Supérieure peroniste où seront étudiés les aspects supérieurs de la pensée justicialiste, afin de former sur le plan doctrinal une élite peroniste capable d'instruire à leur tour de nouveaux cadres, cela ne sous-entend-il pas le dogme des minorités agissantes ? Que seront ces cadres peronistes. sinon le levain permanent de la révolution justicialiste. sinon une élite populaire qui conduira le pays ? Le Parti peroniste n'est-il pas lui-même la minorité agissante qui exprime la volonté du peuple argentin ?
    Le « petit noyau résolu ». Perón le met lui aussi au-dessus des « majorités lâches et inertes ». Il déclare encore ce 9 décembre 1949 :

« Les doctrines ne n'enseignent pas, elles s'inculquent, et on ne saurait les inculquer si on ne ressent une vocation résolue et un enthousiasme absolu. Il me serait difficile d'inculquer aux autres quoi que ce soit qui ne m'aurait été inculqué à moi-même. Pour cette raison, le meilleur maître est celui qui enseigne avec sa propre conviction, fût-elle poussée jusqu'au fanatisme. Il n'est pas de grande cause qui ne doive compter avec un certain nombre de fanatiques. Il s'ensuit que les fanatiques seront toujours une nécessité... Je les considère comme des hommes dont l'esprit est supérieur à toute pondération, parce qu'ils sont prêts à se sacrifier pour leur cause. »

 


Le justicialisme est bien entendu foncièrement républicain, son idéal de justice sociale ne pouvant s'accommoder d'autres régimes, anachroniques, découlant de conceptions qu'il ne reconnaît pas. Né en Amérique dans une nation qui ne connut jamais de royauté, la question institutionnelle ne se posait pas pour lui : l'Argentine ne pouvait être qu'une république et une république sociale. L'état justicialiste peut être défini comme une démocratie parlementaire présidentielle, présentant un quadruple caractère national, syndical, prolétarien et fédéral.
    La démocratie justicialiste n'est pas la démocratie capitaliste que nous connaissons en Europe et dont Perón, en cette phrase concise, a dressé en janvier 1949, l'acte de décès :

« La communauté nationale, comme phénomène de masses, apparaît avec le déclin de la démocratie libérale ».

 


    Démocratie doit être en Argentine entendu au sens étymologique du terme, le peuple y gouverne réellement et l'action du peronisme a précisément consisté à faire passer aux mains du peuple les leviers de commande. Le Parlement y fait les lois mais ne gouverne pas. Elle s'appuie sur la communauté populaire et non sur le libéralisme qui engendre l'oppression capitaliste. Bien que se défendant d'être le régime d'une classe, elle a le prolétariat pour fondations. En fait, c'est une démocratie populaire, si on nous passe ce barbarisme déjà rodé par d'autres qui n'y ont guère droit.
    On peut situer l'État justicialiste à mi-chemin entre la république sociale mussolinienne et la démocratie fédérale de type présidentiel. Si on met à part son caractère fédéral et présidentiel propre à l'Amérique – bien que l'Allemagne de Hitler ait aussi été une démocratie présidentielle et que la Suisse soit une confédération des plus classiques – le régime qui se rapproche le plus de celui de Perón est celui de Salazar au Portugal.
    Soulignons que Juan Perón n'est ni un autocrate ni un dictateur, mais le chef régulièrement élu et investi de pouvoirs réguliers que s'est librement choisi le peuple argentin. L'État justicialiste est une démocratie organisée, dans le cadre de laquelle s'équilibrent les différentes forces qui composent la nation argentine. Dans un discours qu'il prononçait dans le cours de l'été 1950, Perón déclare qu'on s'achemine vers un État plus social que politique et que, par l'organisation des forces du travail, « il faut arriver à l'équilibre permanent des forces organisées... Sans cet équilibre permanent, c'est une irréalisable utopie que l'exercice total de cette liberté que nous chérissons tous, mais que nous ne pouvons pratiquer ».

    Nous avons dit que le justicialisme rejetait la démocratie capitaliste pour réaliser une république sociale. Sa conception du droit de propriété, profondément révolutionnaire, place le justicialisme hors du cadre de l'économie libérale. Donnant une acception spéciale à la notion de propriété qu'il reconnaît mais limite, le justicialisme admet le droit de posséder, mais refuse la propriété stérile et improductive, il ne la conçoit pas coupée de sa fonction sociale.
    Le justicialisme se proclame opposé à la lutte de classes et affirme son intention de la remplacer par la collaboration entre le capital et le travail. « Pour obtenir la paix intérieure, déclare Perón, le 6 septembre 1944, il faut travailler à supprimer les extrémistes capitalistes et totalitaires, de droite où de gauche. De la part de l'État, la base de cette action est le développement d'un programme politique, économique et social adéquat. En outre, l'éducation des individus doit tendre à élever le niveau de la culture sociale, à donner de la dignité au travail, à humaniser le capital, enfin et surtout, à remplacer l'esprit de lutte par celui de collaboration ». Perón veut promouvoir une seule classe sociale, celle de ceux qui travaillent, mais proscrit les luttes intestines. Il veut abolir l'exploitation de l'homme par l'homme, rien de plus.
    En fait, malgré ses affirmations de principe, le régime peroniste tend de plus en plus à devenir un régime de classe. On sait qu'un phénomène semblable s'est produit en Italie durant le fascisme, où Mussolini, malgré ses positions théoriques et après avoir essayé de réaliser la justice sociale dans le cadre de la collaboration des classes, en vint à une république appuyée exclusivement sur le prolétariat. Il y a là un enseignement, l'enseignement qu'il est impossible d'édifier la justice sociale sans détruire le capitalisme, ce qui suppose la lutte des classes.
    Avec Perón, les ouvriers ont acquis la conscience de classe. Que le justicialisme ne cherche pas à faire de la lutte de classes en soi, c'est possible, mais il en fait dans la pratique lorsqu'il veut faire cesser l'exploitation capitaliste. Mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme est au centre de toutes les positions doctrinales de Perón. Il déclarait, en septembre 1948 :

« Nous cherchons à assurer à notre peuple un régime social juste et humanitaire, où la coopération remplace la lutte, où il n'y ait ni réprouvés ni élus, où chaque homme qui travaille reçoive un bénéfice proportionné à son rendement, où tous aient leur avenir assuré, où la société égoïste ne se désintéresse pas du vieillard et de l'impotent et où la fraternité, la générosité et l'amour président aux relations entre les Argentins. Assurer les droits du travailleur, en les incorporant à la loi et aux coutumes argentines, pour que les classes économiquement faibles soient protégées contre l'égoïsme, la domination et l'exploitation des classes économiquement fortes. »

 


    Une autre déclaration de Perón, de mars 1949, rend le même son :

« A partir du moment où les Droits du Travailleur seront inclus dans la Constitution de la République, après qu'elle aura été votée et que tous les fonctionnaires de la Nation lui auront prêté serment, le travailleur pourra affirmer, en toute certitude, que le règne de l'exploitation de l'homme par l'homme a été balayé pour toujours de la terre argentine. Nous aurons l'insigne honneur d'avoir été le premier peuple du monde à établir que l'exploitation d'un homme par un autre homme soit considérée comme un délit condamné par la loi. »

 


« Dans un régime capitaliste, dit encore Perón en 1951, l'homme est exploité par l'homme ; là où règne le communisme, l'homme est exploité par l'État ; dans notre système, l'exploitation de l'homme, sous quelque forme qu'elle se présente, est toujours un crime que la loi punit. Ce que nous voulons, c'est supprimer complètement l'exploitation, quel que soit le nom derrière lequel elle se cache. »

 


    Que le prolétariat soit au centre de toutes les préoccupations de Perón, nul n'en doute en Argentine et c'est bien la cause de la haine de l'oligarchie pour le iusticialisme.

« Dans notre doctrine, a dit Juan Perón, les êtres pour lesquels nous travaillons le plus et auxquels nous pensons davantage, sont les plus modeste de tous et ceux qui ont le plus besoin de nous. La raison d'être et la force immanente du mouvement peroniste sont les humbles parce qu'en les voyant nous les avons aimés. »

 

 

 


 

    Où le justicialisme se différencie nettement de certains mouvements fascistes, c'est en ce qui concerne l'individualisme et les libertés du citoyen, auxquels il attache une bien plus grande valeur que ne l'ont fait les premières formes historiques du fascisme.
    Pour tout État, la liberté individuelle n'est pas sans limites et rencontre ses frontières du jour où l'individu vit dans la société d'autres hommes et trouve pour terme de la sienne propre la liberté du voisin. L'originalité du fascisme dans ce domaine est d'intervenir dans des secteurs que d'autres laissent libres. L'intérêt général primant celui de l'individu, le citoyen doit abandonner un peu de sa souveraineté particulière à la communauté populaire.
    Tout en visant à la même finalité, le justicialisme demande à l'individu une part moins grande d'abdication personnelle. Sans pour cela se détacher du collectivisme, il est extrêmement attaché aux garanties individuelles et nous ne pouvons que l'en féliciter. Perón expliquait ainsi le 9 avril 1949, au Congrès national de Philosophie quels doivent être les rapports du collectif et de l'individu :

« Il importe de concilier notre sens de la perfection avec la nature des faits, de rétablir l'harmonie entre le progrès matériel et les valeurs spirituelles et de donner à nouveau à l'individu un sentiment exact de la réalité. Nous sommes collectivistes, mais notre collectivisme a pour base l'individualisme et pour origine le trésor qu'est l'homme, du seul fait qu'il respire ».

 


Et le jour de la proclamation des Droits du Travailleur, il avait tenu à préciser :

« Notre conception est conforme au principe qui considère l'homme comme le centre des intérêts de tous les efforts des peuples et des gouvernements. Ceci nous a amenés à considérer les droits naturels qui, inhérents à la qualité humaine, découlent du travail et, en dernière instance, conditionnent sa liberté. Ces droits élémentaires, innés, subjectifs, inaliénables et imprescriptibles, que l'homme possède par sa seule raison d'être et dont la méconnaissance est la cause directe des malaises et des troubles sociaux actuels, constituent la base essentielle de nos raisonnements ».

 


« La valeur de l'homme est supérieure à celle de la société », écrit un théoricien du justicialisme qui, tout en affirmant l'attachement du peronisme aux libertés individuelles humaines, nous explique comment il concilie individualisme et collectivisme.

« L'homme, selon le justicialisme, n'appartient pas totalement à la collectivité, comme le pensent les collectivistes ; il n'en est pas davantage absolument indépendant, selon la pensée individualiste... Le justicialisme nie la dépendance, comme l'indépendance totale de l'individu envers la société. Et il affirme la dépendance absolue de certaines cellules de l'individu et l'indépendance non moins absolue de certaines autres envers la société. »

 


    « La liberté individuelle aune limite qui est le droit à la liberté de tous les autres individus », écrit encore Raul Mende, mais le justicialisme ne lui en reconnaît pas d'autre. Ici, pas de caporalisation ni d'arbitraire. On a vu plus haut, bien au contraire, avec quel soin minutieux les libertés individuelles sont garanties par la Constitution qui précise au surplus dans son article 15 : « L'Etat ne reconnaît pas une liberté qui porte atteinte à la liberté. »
    Dans la pratique, cela conduit à une liberté inconnue en France. La grande presse, qui traite volontiers Perón de « dictateur » pour obéir à ses maîtres, pourrait, si elle était libre, faire d'instructives comparaisons. Chacun en Argentine peut critiquer Perón s'il en a envie, dans les cafés, les restaurants et n'importe quel lieu public, se livrer à toutes les élucubrations verbales qu'il lui plaît de professer. Aussi longtemps qu'il existera une nation argentine, elle sera fidèle aux paroles de son hymne national :

Écoutez, mortels, le cri sacré :

Liberté, liberté, liberté !

Écoutez le bruit des chaînes rompues,

Voyez régner la noble égalité.

 




    Le mythe Nation a pour le justicialisme la même importance que pour ses frères européens. « Nous considérons le principe des nationalités comme sacré », déclare Perón le 7 juillet 1947. En accord avec ce principe, pour le justicialisme la nation, corps et âme de la communauté populaire, n'est pas le sol, n'est pas une forme géographique colorée sur une carte, mais la communauté ethnique groupée en nation.
    Il s'oppose par là complètement aux conceptions scélérates de l'O.N.U. intéressées à proclamer qu'un État n'est qu'une forme géographique qu'on peut peupler de qui l'on veut, sans discriminations de nationalité ni de race. Le justicialisme affirme au contraire, en accord avec la logique et avec la réalité, que la nation n'est pas une aire géographique, mais une assemblée d'hommes unis par certains liens. « Nos campagnes, nos villes, nos palais ne sont pas la patrie. Je ne l'ai jamais cru. La patrie, ce sont nos frères vivant sur le même sol ». (Discours de Perón du 7 avril 1949.)
    Le nationalisme argentin est basé sur la race, ou plus exactement sur l'ethnie. Perón la définit ainsi le 12 octobre 1947 : « La race n'est pas pour nous un concept biologique, elle est une chose purement spirituelle. C'est une somme de vertus impondérables, qui nous fait ce que nous sommes et nous pousse à être ce que nous devons être, en raison de nos origines et de nos destinées... La race constitue pour nous notre sceau personnel qui est indéfinissable et ne peut être confondu ». Chaque année, l'Argentine célèbre le 12 octobre un Jour de la Race, une législation précise, complétée par les directives des deux plans quinquennaux, protège au point de vue racial le caractère latin du peuple argentin.
    Il faut bien préciser que si les Argentins ne sont pas xénophiles, ils ne sont pas non plus xénophobes et toutes les races trouvent chez eux le respect qui leur est dû.

    Corollaire de son nationalisme, le justicialisme fait sien le principe de l'autodétermination des peuples. Chaque peuple a le droit d'organiser selon ses conceptions particulières ses propres formes d'organisation politique, sociale, culturelle, morale et économique. Nul n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'une autre nation, le justicialisme considère que chaque nation est seule maîtresse chez elle.
    Bien meilleurs socialistes que les bolchevistes et les débris de la IIe Internationale, les peronistes sont les ardents protagonistes d'un nationalisme intelligent, non pas de celui qui consiste à chercher des aventures guerrières dont le peuple fait toujours les frais, mais d'un nationalisme qui consiste à mettre en valeur toutes les possibilités du pays et à protéger le peuple contre les fléaux sociaux, la misère, la maladie et la guerre. Ces objectifs, le justicialisme les a magnifiquement atteints.
    Du principe national découle le principe d'autorité et de hiérarchie. Voici comment Perón affirme, le 12 août 1944, ce principe de hiérarchie, ce principe du chef, en des termes qui rejoignent ceux de Codreanu :

« Les peuples doivent savoir, pour leur part, qu'on naît conducteur. On ne fabrique de conducteurs ni par décret ni par élections. Conduire est un art, et on naît artiste ; on ne fabrique pas d'artistes. On ne réalise d'œuvres d'art ni avec des recettes ni avec des brochures. La suprême condition de l'artiste est de créer. Pour conduire, il n'existe pas de modèles, le conducteur crée les siens propres. »

 


    Le nationalisme argentin s'accommode fort bien du principe fédéral, il n'y a d'ailleurs pas antithèse entre le principe du chef et le fédéralisme. Il était intéressant de voir de quelle manière le concept d'autorité s'accorderait avec le système fédéral, essai tenté pour la première fois au monde. Le mariage apparaît comme fort réussi.
    En Argentine justicialiste, l'organisation fédérative est respectée, chaque province conserve son propre gouvernement qui régit librement les secteurs qui lui sont réservés par la Constitution. Le chef, assisté des organismes fédéraux, coiffe les différents gouvernements provinciaux, leur communique sa volonté révolutionnaire et fait descendre la révolution justicialiste jusqu'au peuple de toutes les provinces par le canal des organisations syndicales et du parti peroniste.
    Il est à noter que l'organisation du parti peroniste calque le système fédéral argentin. Le fédéralisme officiel y prend la forme d'une hiérarchisation.
    Pour un régime juste, l'État n'est pas un cadre qui doit enserrer le citoyen et le faire marcher au pas. Personnification de la Nation, il n'a droit à l'existence que pour protéger les citoyens qu'il représente. C'est dans le cadre de cette protection que le justicialisme regarde l'assistance et la prévoyance sociales comme une obligation de l'État. Le citoyen a le droit d'exiger que l'État le protège contre les risques sociaux. En conformité avec cette doctrine, les obligations sociales de l'État sont incluses dans la Constitution.
    Sans donner de fonctions politiques aux syndicats ni confier la représentation politique de la population à une chambre corporative, le justicialisme cependant s'appuie largement sur les syndicats qui forment l'armature du régime. Si le justicialisme n'a pas été tout à fait radical dans ce domaine, les diverses déclarations de Perón, affirmant à plusieurs reprises que le justicialisme ne serait pas possible sans le syndicalisme, indiquent pourtant une évolution. Il a souvent dit que les Etats passent actuellement de l'âge où tout se décidait par les organisations politiques, à l'âge où tout se décide par les organisations sociales. S'appuyant toujours davantage sur les organismes syndicaux, il travaille à accélérer ce processus historique et son régime présente par là un caractère nettement corporatif.



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